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Antiquitez de Rome

Qui par enchantement conquist la riche laine,
Des dents d’un vieil serpent ensemençant la plaine
N’engendra de soldats au champ de la toison :
Ceste ville qui fut en sa jeune saison
Un hydre de guerriers, se vit bravement pleine
De braves nourrissons, dont la gloire hautaine
A rempli d’un Soleil l’une et l’autre maison.
Mais qui finalement, ne se trouvant au monde
Hercule qui dontast semence tant feconde,
D’une horrible fureur l’un contre l’autre armez,
Se moissonnarent tous par un soudain orage,
Renouvelant entre eux la fraternelle rage,
Qui aveugla jadis les fiers soldats semez.

XI

Mars vergongneux d’avoir donné tant d’heur
A ses nepveux, que l’impuissance humaine
Enorgueillie en l’audace Romaine
Sembloit fouler la celeste grandeur,
Refroidissant ceste premiere ardeur
Dont le Romain avoit l’ame si pleine,
Soufla son feu, et d’une ardente haleine
Vint eschauffer la Gottique froideur.
Ce peuple a donc, nouveau fils de la Terre,
Dardant par tout les foudres de la guerre,
Ces braves murs accabla sous sa main :
Puis se perdit dans le sein de sa mere,
Afin que nul, fust-ce des Dieux le pere
Se peust vanter de l’empire Romain.

XII

Tels que l’on vid jadis les enfants de la Terre
Plantez dessus les monts pour escheller les cieux,
Combattre main à main la puissance des Dieux,
Et Juppiter contre eux qui ses fouldres desserre :
Puis tout soudainement renversez du tonnerre.
Tomber de çà de là ces scadrons furieux,
La Terre gemissante, et le Ciel glorieux
D’avoir à son honneur achevé ceste guerre,