Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/44

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II

Un plus sçavant que moy (Paschal) ira songer
Avesques l’Ascrean dessus la double cyme :
Et pour estre de ceux dont on fait plus d’estime,
Dedans l’onde au cheval tout nud s’ira plonger.

Quant à moy, je ne veux, pour un vers allonger,
M’accourcir le cerveau : ni pour polir ma rime,
Me consumer l’esprit d’une soigneuse lime,
Frapper dessus ma table, ou mes ongles ronger.

Aussi veux-je (Paschal) que ce que je compose
Soit une prose en ryme, ou une ryme en prose,
Et ne veux pour cela le laurier meriter.

Et peut estre que tel se pense bien habile,
Qui trouvant de mes vers la ryme si facile,
En vain travaillera, me voulant imiter.

III

N’estant, comme je suis, encore exercité
Par tant et tant de maux au jeu de la Fortune,
Je suivois d’Apollon la trace non commune,
D’une saincte fureur sainctement agité.

Ores ne sentant plus ceste divinité,
Mais picqué du souci qui fascheux m’importune,
Une adresse j’ay pris beaucoup plus opportune
A qui se sent forcé de la necessité.

Et c’est pourquoy (Seigneur) ayant perdu la trace
Que suit vostre Ronsard par les champs de la Grace,
Je m’adresse où je voy le chemin plus battu :

Ne me bastant le cœur, la force, ni l’haleine,
De suivre, comme luy, par sueur et par peine,
Ce penible sentier qui meine à la vertu.

IV

Je ne veux feuilleter les exemplaires Grecs,
Je ne veux retracer les beaux traits d’un Horace,
Et moins veux-je imiter d’un Petrarque la grace,
Ou la voix d’un Ronsard pour chanter mes regrets.