Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/87

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Les Princes et les Rois viennent grands de nature,
Aussi de leurs grandeurs n’ont-ils tant de souci,
Comme ces Dieux nouveaux, qui n’ont que le sourci,
Pour faire reverer leur grandeur, qui peu dure.

Paschal, j’ay veu celuy qui n’agueres trainoit
Toute Rome apres luy, quand il se pourmenoit,
Avecques trois vallets cheminer par la rue :

Et trainer apres luy un long orgueil Romain
Celuy, de qui le pere a l’ampoulle en la main,
Et l’aiguillon au poing se courbe à la charrue.

CIII

Si la perte des tiens, si les pleurs de ta mere,
Et si de tes parents les regrets quelquefois,
Combien, cruel Amour, que sans amour tu sois,
T’ont fait sentir le dueil de leur complainte amere :

C’est or' qu’il faut monstrer ton flambeau sans lumiere,
C’est or' qu’il faut porter sans flesches ton carquois,
C’est or' qu’il faut briser ton petit arc Turquois,
Renouvellant le dueil de ta perte premiere.

Car ce n’est pas icy qu’il te faut regretter
Le pere au bel Ascaigne : il te faut lamenter
Le bel Ascaigne mesme, Ascaigne, ô quel dommage !

Ascaigne, que Caraffe aymoit plus que ses yeux :
Ascaigne, qui passoit en beauté de visage
Le beau Couppier Troyen, qui verse à boire aux Dieux.

CIV

Si fruicts, raisins et bledz, et autres telles choses,
Ont leur tronc, et leur sep, et leur semence aussi,
Et s’on void au retour du printemps addouci,
Naistre de toutes parts violettes, et roses ;

Ni fruicts, raisins, ni bledz, ni fleurettes descloses
Sortiront, Viateur, du corps qui gist ici :
Aulx, oignons, et pourreaux, et ce qui fleure ainsi,
Auront ici dessous leurs semences encloses.

Toi donc, qui de l’encens et du basme n’as point,
Si du grand Jules tiers quelque regret te poingt,