Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/90

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Ainsi le bon Marcel ayant levé la bonde,
Pour laisser escouler la fangeuse espesseur
Des vices entassez, dont son predecesseur
Avoit six ans devant empoisonné le monde :

Se trouvant le pauvret de telle odeur surpris,
Tomba mort au milieu de son œuvre entrepris,
N’ayant pas à demi ceste ordure purgee.

Mais quiconques rendra tel ouvrage parfait,
Se pourra bien vanter d’avoir beaucoup plus fait,
Que celuy qui purgea les estables d’Augee.

CX

Quand mon Caraciol de leur prison desserre
Mars, les ventz, et l’hyver : une ardente fureur,
Une fiere tempeste, une tremblante horreur
Ames, ondes, humeurs, ard, renverse, et resserre.

Quand il luy plait aussi de renfermer la guerre,
Et l’orage, et le froid : une amoureuse ardeur,
Une longue bonasse, une douce tiedeur
Brusle, appaise, et resoult les cœurs, l’onde, et la terre.

Ainsi la paix à Mars il oppose en un temps,
Le beau temps à l’orage, à l’hyver le printemps,
Comparant Paule quart avec Jules troisieme.

Aussi ne furent onq’ deux siecles plus divers,
Et ne se peut mieulx voir l’endroit par le revers,
Que mettant Jules tiers avec Paule quatrieme.

CXI

Je n’ai jamais pensé que ceste voute ronde
Couvrist rien de constant : mais je veux desormais,
Je veux, mon cher Morel, croire plus que jamais,
Que dessous ce grand Tout rien ferme ne se fonde,

Puisque celuy qui fut de la terre et de l’onde
Le tonnerre et l’effroy, las de porter le faiz,
Veut d’un cloistre borner la grandeur de ses faicts,
Et pour servir à Dieu abandonner le monde.

Mais quoy ? que dirons-nous de cet autre vieillard,
Lequel ayant passé son âge plus gaillard