Page:Du Bouvot De Chauvirey - La terre de Chauvirey, 1865.djvu/166

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étant émigrés[1], il institua sa femme son héritière universelle, mais en lui imposant confidentiellement la condition de ne se considérer que comme usufruitière, et de laisser après elle à ses parents de la ligne paternelle ce qu'elle tiendrait de lui, condition qu'elle a religieusement exécutée malgré les suggestions auxquelles elle a pu être en butte, mais que l'on n'osa pourtant jamais pousser bien loin, parce que la plupart du temps elle savait imposer silence dès les premiers mots.

Mme de Montessus avait reçu l'éducation la plus distinguée et en même temps la plus solide ; elle possédait une grande instruction et était fort lettrée, bien plus même que beaucoup d'hommes de son temps et de son rang ; elle avait un caractère élevé et l'esprit le plus vif et le plus aimable ; elle a peut-être été la dernière qui ait su tenir un château. Si l'on eut parfois à lui reprocher quelques légers travers, ils étaient le résultat de la servile et honteuse adulation de son entourage, parents, parasites et valets, adulation que du reste, il faut bien en convenir, elle avait la faiblesse d'autoriser, sinon de rechercher[2].

Elle institua son légataire particulier, pour tous les

  1. La loi, fort habilement prévoyante, interdisait alors toute disposition testamentaire, si ce n'est entre époux, afin d'empêcher que l'on pût substituer des légataires capables de posséder aux héritiers naturels dont la position d'émigrés permettait de spolier les biens aussitôt qu'ils leur étaient dévolus.
  2. Elle avait conservé quelques-uns des préjugés de beaucoup de gens de son gens de son âge : elle n'a par exemple jamais pu pardonner à personne de se présenter chez elle en pantalon et en bottes ; elle considérait cette tenue comme celle de gens mal nés et mal élevés, et querellait souvent ceux à qui leur âge et leurs habitudes n'en permettaient pas d'autre.