Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/117

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francs à dépenser. C’est à l’aide de si misérables ressources qu’on parvint cependant à établir la ligne de Paris à Lille.

Seize stations séparaient les deux points extrêmes : c’étaient seize postes à construire. Les pierres manquaient, on alla en chercher dans les carrières ; le bois faisait défaut, on en abattit dans les forêts de l’État ; les ouvriers refusaient de travailler pour un salaire illusoire payé en assignats dépréciés, on les mit en réquisition. Les frères Chappe faisaient tous les métiers ; tour à tour géomètres, architectes, maçons, charpentiers, mécaniciens, ils se subdivisaient la besogne et se multipliaient à l’infini. Le Comité de salut public, auquel il n’était pas prudent de désobéir en ce temps-là, autorisa les inventeurs du télégraphe à placer leurs machines sur les tours, sur les clochers, partout enfin où ils trouveraient avantage ou économie de temps ; par son ordre, ils obtinrent de faire abattre, moyennant indemnité discutée, les rideaux d’arbres qui pouvaient s’interposer entre deux stations. C’est aux frères de Claude Chappe qu’était échu le dur labeur de surveiller et d’activer l’établissement des stations ; quant à lui, resté à Paris, il s’était réservé la plus pénible partie du travail, la construction des machines ; il ne parvint pas à réunir sous sa surveillance directe un groupe d’ouvriers spéciaux pouvant former un atelier de menuiserie et de serrurerie ; il fut obligé de faire exécuter les pièces séparément, une à une, par des artisans isolés. Lorsque à force de soins, de tâtonnements et de peines, il était parvenu à obtenir les différents organes de son instrument, il les assemblait lui-même et allait sur place établir l’appareil, le faire jouer et s’assurer qu’il pourrait fonctionner. En dehors de cette occupation incessante, il s’était donné la tâche de former lui-même les stationnaires, c’est-à-dire les hommes qui devaient faire mouvoir le télégraphe, en connaître