Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/211

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un esprit pratique très-remarquable. Dans le principe, les lignes étaient fort courtes et par conséquent fort chères. Ainsi, celle des boulevards était divisée en deux : de la Madeleine à la porte Saint-Martin ; de la porte Saint-Martin à la Bastille. Aujourd’hui, ces deux points extrêmes sont réunis par un seul et même trajet ; mais cela ne parut pas suffisant, et on établit les correspondances[1], c’est-à-dire que pour le prix de la place une fois payé on a le droit de prendre deux voitures, de faire deux courses et de passer d’une ligne sur une

  1. Les personnes qui veulent prendre une correspondance reçoivent, avant de quitter l’omnibus, un billet indicatif qu’elles doivent montrer en montant dans une autre voiture. Ce moyen de contrôle est aussi simple que pratique ; mais il n’a pas paru tel à un particulier qui a adressé à l’administration la lettre suivante, curieuse à plus d’un titre ; elle prouvera à quels genres d’élucubrations sont exposés les directeurs de nos grandes entreprises :
    « Monsieur le secrétaire général.
    « Ayant remarqué le luxe que l’administration des omnibus a nouvellement apporté dans ses cartes de correspondance, j’ai pensé à la dépense que cela devait occasionner, et me suis efforcé de chercher un moyen aussi simple qu’économique qui rendit impossible toute fraude.

    « Je l’ai trouvé ! et trouvé dans vos propres usages ; et enfin, dans un but d’utilité que tout bon citoyen doit chercher, je crois devoir vous en faire part, comptant sur votre justice pour m’en tenir compte, si vous l’adoptez. Mon moyen est bien simple, et le voici. Vos contrôleurs et même, je crois, vos conducteurs, sont munis d’un petit poinçon ou cachet servant à pointer en rouge ou en bleu les feuilles de route. Eh bien, chaque conducteur devra avoir, en guise de cartes de correspondances, un cachet ou poinçon portant la lettre de sa voiture, chargé d’une couleur rouge ou bleue tout à fait exempte d’agents corrosifs ou malfaisants, et, de plus, pouvant s’effacer facilement et marquer sur un point apparent, comme la joue ou le front, tout voyageur réclamant la correspondance. Puis cette marque devra être effacée, au moyen d’une petite éponge sèche, par le conducteur qui recevra le voyageur dans sa voiture. Par ce moyen : 1o grande économie matérielle ; 2o plus de fraude possible en changeant, aux différentes heures de la journée, la couleur du timbre, et enfin 3o impossibilité pour le voyageur de perdre sa correspondance.

    « Si vous daignez lire au conseil d’administration mon projet, et qu’il soit approuvé, veuillez m’en faire part ; s’il est repoussé, regardez ma proposition comme non avenue, et daignez agréer, monsieur le secrétaire général, l’expression du profond respect de votre très-humble et obéissant serviteur. »