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cune chose importante par la poste, mais envoyer partout des hommes exprès, soit cavaliers ou gens de pied, ou religieux[1]. »

Saint-Simon insiste souvent sur ce sujet et ne ménage guère Louvois ; il frappe même plus haut et découvre Louis XIV ; dans ses Additions au journal de Dangeau, il dit : « La plus cruelle de toutes les voies par laquelle le roi fut instruit bien des années avant qu’on s’en fût aperçu, et par laquelle l’ignorance et l’indépendance de beaucoup de gens continue encore trop à l’instruire, fut celle de l’ouverture des lettres ; c’est ce qui donna tant de crédit aux Pajots et aux Rouillés qui en avaient la ferme. » — « C’est à Louvois qu’est dû le fatal décret d’ouvrir toutes les lettres à la poste qui a été si longtemps caché et qui est enfin devenu public[2]. »

Nul n’en doutait, du reste, sous Louis XIV ; madame de Sévigné écrit à sa fille, en date du 18 mars 1671 : « Mais je veux revenir à mes lettres qu’on ne vous envoie pas ; j’en suis au désespoir. Croyez-vous qu’on les ouvre ? Croyez-vous qu’on les garde ? Je conjure ceux qui prennent cette peine de considérer le peu de plaisir qu’ils ont à cette lecture et le chagrin qu’ils nous donnent. Messieurs, du moins, ayez soin de les faire recacheter, afin qu’elles arrivent[3]. »

Un siècle plus tard (1er décembre 1765), Horace Walpole devait écrire : « Bons maîtres de poste, secrétaires d’état ou qui que vous soyez, recachetez promptement cette lettre-ci et envoyez-la : vous garderez la prochaine aussi longtemps que vous voudrez. »

Sous Louis XV, on sait positivement à quoi s’en tenir, et l’on peut même reconstituer assez facilement le mode de procéder. Ce fut ce prince en effet qui organisa le

  1. Pierre Clément, la Police sous Louis XIV, p. 16, 37 et pass.
  2. Journal de Dangeau ; éd. Didot, XVI, p. 43 ; III, p. 366.
  3. Lettres de madame de Sévigné, etc., II, p. 120 ; éd. Hachette.