Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/229

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souffrent souvent ; mais cette affection est accidentelle : c’est la conjonctivite. Une personne qui a les doigts imprégnés de tabac et qui se frotte l’œil enflamme la sclérotique et naturellement est atteinte d’une légère ophtalmie, qui dure un jour ou deux, et cède invariablement à l’usage des collyres les moins compliqués.

Du reste, il est un moyen bien simple de neutraliser l’effet du tabac, l’espèce d’engourdissement qu’il procure lorsqu’on en abuse, le malaise qu’il cause aux débutants maladroits : il suffit de boire une tasse de café noir. Le tannin, que le café renferme en quantité fort appréciable, est le contre-poison de la nicotine. Les directeurs de l’expertise, forcés de fumer outre mesure, lorsqu’ils ont le sens du goût émoussé par le nombre de cigares qu’ils ont dégustés, prennent du café et retrouvent immédiatement une sûreté d’appréciation qui leur permet de continuer efficacement leur travail. En cela, les Turcs sont nos maîtres ; ils ont trouvé du premier coup, et à leur insu, le moyen de fumer toujours avec plaisir et sans fatigue. Après chaque pipe, ils boivent une tasse de café, dont le marc sert plus tard à nettoyer le long tuyau de leurs chibouks.

Lorsque la nicotine a été importée en France, on l’a considérée comme une sorte de panacée universelle, et les médecins voyaient en elle le remède à toutes nos misères ; aujourd’hui la boîte aux cigares est devenue la boite de Pandore : tous les maux s’en échappent. La seconde opinion est presque aussi exagérée que la première ; mais comme nulle loi ne nous force à user du tabac ; que si l’habitude est mauvaise, nous ne la devons qu’à nous-mêmes, à qui seuls elle fait tort ; que l’État trouve dans cette industrie un bénéfice légitime et considérable ; que les produits qu’on nous vend tendent à devenir chaque jour meilleurs ; que la science n’a pas encore sérieusement constaté les prétendus dangers dont