Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/239

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navant la monnaie reproduirait le buste du roi. Ce fut aussi sous son règne que l’on inscrivit régulièrement le millésime au revers des pièces ; avant lui, il est très-rare de le rencontrer, et on ne le trouve guère que sur un écu d’or d’Anne de Bretagne (1493). C’est donc Henri II qui a créé la monnaie française : il lui donne le type, l’effigie, la date ; mais en cela il ne fait que suivre l’exemple que les princes italiens lui offraient depuis longtemps.

Ces améliorations excellentes rendaient notre monnaie plus belle, mais non plus régulière. Le titre, le poids, le diamètre, variaient perpétuellement. Quand on parlait de refondre les monnaies[1], tout le monde était pris d’inquiétude ; comme la valeur était plus nominale que réelle, on craignait d’avoir des pertes à supporter. Les parlements s’en mêlaient, et Louis XVI lui-même fut obligé de subir leurs remontrances, dont il ne tint du reste aucun compte. Pour cela, comme pour tant d’autres choses, les hommes de la Révolution tombèrent juste du premier coup en adoptant le système décimal, qui déjà depuis quelques années était admis dans les sciences exactes, et dont l’emploi, décrété le 1er août 1793, et réglé par les lois du 18 germinal an III et du 1er vendémiaire an IV, ne fut rendu obligatoire que quarante ans après par la loi du 4 juillet 1837, qui édictait des peines contre quiconque emploierait les termes usités autrefois. Ce qui n’empêche pas les marchandes d’œufs de crier encore dans nos rues : « Trois de six blancs, les rouges et les blancs ! » et les marchands de pommes

  1. « On démonétisait les espèces courantes ; on les refondait, ou, plus simplement, on les marquait d’un poinçon, on en accroissait la valeur et on les remettait en circulation. La différence entre leur ancien et leur nouveau cours devenait le gain de la couronne. On eut recours à cette ressource malhonnête et déplorable : 24 fois dans le quatorzième siècle, 9 fois dans le quinzième, 6 fois dans le seizième, 6 fois dans le dix-septième, 18 fois dans le dix-huitième. » (A. Moreau de Jonnés, État économique de la France, p. 394.)