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NUMÉRO 3


Les halles au quatorzième siècle.


Ce joyeux séjour des plus agréables divertissements offre, en de très-grandes montres pleines de trésors inestimables, toutes les espèces les plus diverses de joyaux réunis dans la maison dite les Halles des Champeaux. Là, si vous en avez le désir et les moyens, vous pourrez acheter tous les genres d’ornements que l’industrie la plus exercée, l’esprit le plus inventif se hâtent d’imaginer pour combler tous vos désirs. Vouloir décrire, dans leurs détails, toutes les spécialités que renferment ces genres, ce serait allonger cet ouvrage et lui donner une longueur telle, qu’elle ferait naître l’ennui dans l’âme du lecteur, et lui montrerait combien l’auteur s’oublie quand il cherche des choses impossibles. Je ne veux pas toutefois omettre entièrement de dire que, dans quelques endroits des parties inférieures de ce marché, et pour ainsi dire sous des amas, des monceaux d’autres marchandises, se trouvent des draps plus beaux les uns que les autres ; dans d’autres, de superbes pelisses, les unes faites de peaux de bêtes, les autres d’étoffes de soie, d’autres enfin composées de matières délicates et étrangères, dont j’avoue ne pas connaître les noms latins. Dans la partie supérieure de l’édifice, qui forme comme une rue d’une étonnante longueur, sont exposés tous les objets qui servent à parer les différentes parties du corps humain : pour la tête, des couronnes, des tresses, des bonnets ; des peignes d’ivoire pour les cheveux, des miroirs pour se regarder, des ceintures pour les reins, des bourses pour suspendre au côté, des gants pour les mains, des colliers pour la poitrine, et autres choses de ce genre, que je ne puis citer, plutôt à cause de la pénurie des mots latins que faute de les avoir bien vues. Mais, pour que les splendeurs sans nombre de ces brillants objets, dont les variétés et le nombre infini s’opposent à une description complète et détaillée, puissent du moins être effleurées dans un ensemble superficiel, laissez-moi vous parler ainsi : dans ces lieux d’exposition, les regards des promeneurs voient sourire à leurs yeux tant de décorations pour les divertissements des noces et pour les grandes fêtes, qu’après avoir parcouru à demi une rangée, un désir impétueux les porte vers l’autre, et qu’après avoir traversé toute la longueur une insatiable ardeur de renouveler ce plaisir, non pas une fois ni deux, mais comme indéfiniment, en reprenant au commencement, leur ferait recommencer l’excursion, s’ils voulaient en croire leur désir.

Jean de Jeandun ; extrait du Tractatus de laudibus parisius.