Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/129

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n’ont rien à se reprocher ? On examine les circonstances, et si elles plaident en faveur de l’inculpé, on le renvoie avec un : Ne t’y fais plus reprendre. Il y a des mots qui dénouent immédiatement une situation. Une fille ivre avait proféré des cris séditieux. Lorsqu’une nuit passée au dépôt lui eut rendu la raison, on l’interrogea : « Voulez-vous donc détruire le gouvernement ? — Ah ! répondit-elle, j’ai bien assez de me détruire moi-même ! » Elle fut relaxée sans plus ample informé. C’est là la besogne quotidienne ; elle est fatigante parce qu’elle est incessante, mais elle devient singulièrement pénible lorsque l’on se trouve en présence d’un individu qui, pour des causes ignorées, ne veut pas dire son nom. Alors commence une lutte de finesse et d’arguties qui parfois prend les proportions d’un roman.

En régle générale, à tout inculpé qui, interrogé, répond qu’il se nomme Durand, Dubois, Legrand, on dit : C’est bien, mais comment vous appelez-vous ? Quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent on ne se trompe pas ; il y a des noms tellement communs, qu’ils sont presque toujours un pseudonyme. Il est bien rare qu’on n’arrive pas à mettre bas les uns après les autres tous les masques derrière lesquels les criminels dissimulent leur identité avec une persévérance extraordinaire. Il n’est recherches qu’on épargne pour cela, car il est légitime de penser que tout individu qui a un intérêt puissant à taire son vrai nom est un homme dangereux. Il y a telle de ces constatations qui n’a abouti qu’après plus d’une année de demandes, de correspondances avec les ministres des nations voisines, et qui, par le fait, a sauvé celui qui en était l’objet, car le pauvre diable cachait son état civil avec tant de persistance parce qu’il était déserteur d’une armée étrangère, crime pour lequel l’extradition n’est pas accordée et n’est même jamais réclamée.

Quelquefois on peut se demander si l’on est en pré-