Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/135

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peut rejoindre son ancien amant que le lendemain, lui fait part avec épouvante du coup qui la menace. Elle n’a pas les 50 000 francs exigés, l’amant ne les a pas non plus ou ne se soucie guère de les donner. Il court à la police. Le temps pressait, il était midi. Une heure après, toutes les lettres étaient détruites, la femme était rassurée, un mari continuait à vivre en paix, et deux enfants pouvaient grandir sans voir rejaillir sur eux le déshonneur de leur mère.

C’est dans des œuvres pareilles, équitables et bienfaisantes, qu’il faut déployer toutes les qualités d’un homme de police, la sagacité, la fermeté, la persistance, la douceur. Il est fort rare que ces sortes de missions préventives ne réussissent pas. L’habileté des agents est pour beaucoup dans le résultat obtenu, mais il faut dire cependant que leur tâche est singulièrement facilitée par l’espèce de terreur qu’inspire le seul mot de police. Lorsqu’un individu est mandé dans ces lieux redoutables, quelque pure que soit sa conscience, quelque nette que soit sa conduite, il arrive sentant peser sur ses épaules une lourde tradition où se mêlent confusément les souvenirs de la Bastille, des lettres de cachet, du For-l’Évêque, des romans qu’il a lus, des histoires invraisemblables qu’il a entendu raconter. Il croit pénétrer dans l’antre du mystère ; il vient déjà ébranlé, troublé, oscillant entre mille craintes et prêt à toutes concessions, qui du reste lui seront faciles, car on ne lui en demandera aucune qui ne soit compatible avec l’honneur le plus scrupuleux.

Ces sortes d’affaires, où la police intervient officieusement, sont nombreuses et multiples. La vie occulte de Paris est pleine d’aventures lugubres, parfois profondément comiques, qui trouvent un dénoûment souvent inespéré à la préfecture, dans un cabinet tapissé, sourd et muet, muni de doubles, de triples portes, gardé par