Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/219

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tentaire, puis il est conduit à sa cellule, s’il est dans une maison à système d’isolement, dans l’atelier, s’il appartient au régime en commun.

Ses vêtements, ceux qu’il vient de quitter, sont soumis à une fumigation sulfureuse, dont ils n’ont que trop souvent besoin. La chambre de désinfection, c’est le nom administratif, est située le plus souvent hors de l’enceinte réservée aux détenus. Des loques trouées, des vestes élimées, des pantalons effondrés, pendent au milieu d’une fumée intense, qui saisit à la gorge et fait pleurer les yeux : cela ressemble au vestiaire funèbre d’une morgue vu à travers le brouillard. Après vingt-quatre heures, lorsqu’on pense que tout ce qui vivait sur ces pauvres guenilles est mort, les vêtements sont pliés avec soin, enveloppés dans une serpillière, numérotés et déposés dans un local spécial qu’on ne peut guère parcourir sans émotion. Là, en effet, on peut apprécier le dénûment presque absolu des malheureux sur qui la justice vient d’appesantir sa main. Ces petits paquets, qu’un enfant emporterait facilement sous le bras, sont toute la fortune des pauvres diables qu’une mauvaise pensée a poussés vers le vol. Est-ce la débauche, est-ce la paresse qui les a faits si misérables ? On ne sait ; mais il est difficile de n’être point pris de commisération. Les souliers percés, rapiécés, éculés, béants, les chapeaux bossués, rougis, déformés, sans coiffe, parfois sans fond, racontent mieux que tout récit les nuits pluvieuses passées dehors, sur les tas de cailloux des boulevards extérieurs, dans les fours à plâtre, sur le talus des fortifications. Rien ne donne une idée plus navrante du vice crapuleux et de la misère rachitique que ces informes défroques, dont l’odeur même ne serait pas tolérable, si le soufre, en brûlant, ne les avait purifiées.