Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/269

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la peine dont il est frappé, sans parler et haussant les épaules, il se passe le dos de la main sur le cou. On le fait entrer dans une cellule double, à deux lits, dont l’un est toujours occupé par un autre détenu sur lequel on peut compter, un de ceux qui savent écouter et répètent volontiers ce qu’ils ont entendu.

Dès qu’un homme est condamné à mort, sa vie devient sacrée ; il faut qu’il meure, mais d’une certaine manière ; il appartient à l’expiation, à l’exemple, et l’on veille sur lui avec une jalousie féroce, afin qu’il ne dérobe à la vindicte publique aucune des minutes de l’existence qu’elle réclame. Depuis que deux bandits, condamnés le même jour, en 1839, Lesage et Soufflard, ayant trouvé moyen de se tuer, l’un à la fin de l’audience, l’autre dans sa prison, échappèrent à l’échafaud, on redouble de surveillance et l’on ne ménage pas les précautions.

L’homme est rapidement dépouillé de ses vêtements, qu’on jette bien vite loin de lui afin qu’il ne puisse les atteindre, car peut-être y a-t-il caché une arme ou du poison ; rien ne trouve grâce, pas même les souliers, pas même les bas. Quand il est nu, on lui fait endosser le costume des prisonniers, la dure chemise, le pantalon, la vareuse de grosse laine grise, les forts chaussons feutrés ; il a l’habillement complet, sauf la cravate, sauf le mouchoir, que jamais on ne lui donne, car il pourrait essayer de s’étrangler. Puis on le contraint à mettre la camisole de force, horrible vêtement qui est bien réellement un instrument de torture. En toile à voile, peu flexible et très-rêche, elle ne s’ouvre que derrière et est fermée par sept fortes courroies de buffle armées de boucles ; les manches, fort longues, sont oblitérées à l’extrémité, de façon que les mains n’en puissent sortir ; de plus, deux cordes solides, fixées au bout de la manchette, sont passées entre les cuisses du misérable