Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/272

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condamné ; tout en ayant l’air parfois de faire une sorte de grâce à son avocat, il cède, il signe.

La justice qui, dans sa maison, garde le condamné tant qu’il ne s’est pas pourvu en cassation, le remet au préfet de police, pouvoir exécutif, aussitôt que les pièces sont en règle. Toujours vêtu de la camisole de force et transporté dans une voiture cellulaire, il est conduit et écroué à la Grande-Roquette[1], dans un quartier qui est exclusivement réservé aux condamnés à mort. Par une sorte d’ironie que sans doute l’architecte n’a pas cherchée, ce quartier, isolé de tous les autres, touche à l’infirmerie, comme si les malheureux qu’on y renferme étaient atteints d’un mal incurable. Dans le langage de la prison, la grille qui sépare cette division des autres s’appelle la grille des morts. Il y a là, loin des cours et derrière des verrous qui défient l’effraction, trois cellules, propres, aérées, fort grandes : dix pas de long sur cinq de large ; une couchette, une table, deux ou trois chaises, un poêle, meublent cette chambre peinte en jaune et éclairée par une fenêtre grillée, treillagée et placée assez haut pour qu’un homme ne puisse l’atteindre que très-difficilement. Comme à la Conciergerie, le condamné n’a pas une minute de solitude ; toujours il a près de lui un gardien et un soldat du poste de la prison, qui sont relevés de deux en deux heures.

Il est assez difficile de comprendre ce que le soldat fait là, dans cette cellule, près d’un condamné à mort ; le temps qu’il y passe équivaut pour lui à une faction. C’est là une besogne administrative cependant ; elle doit peser tout entière sur les gardiens dont c’est le métier, qui sont choisis, payés pour cela, et, à moins de cas de

  1. L’appellation de La Roquette donnée à deux prisons, à une rue et à tout un quartier, vient de la plante de ce nom (Eruca sativa) qui croissait en abondance sur ces terrains autrefois déserts.