Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/277

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toutes semblables, monotones et néanmoins agitées, se sont écoulées ; le temps est proche. Son inquiétude nerveuse s’accroît ; il dort mal et devient irritable. Le matin, quand on entre dans sa cellule pour relever les hommes de garde, il tressaille ; pendant la nuit, quoiqu’il soit si éloigné, si bien séparé de l’extérieur par deux chemins de ronde et par deux murs d’enceinte, que nul bruit ne peut parvenir jusqu’à son oreille, il écoute et il croit entendre un marteau qui cloue des planches. Obsession permanente et qui s’accentue souvent jusqu’à devenir une souffrance physique. C’est alors quand, à la lueur du quinquet qui brûle sans cesse, on le voit en proie à ces appréhensions terribles, qu’on redouble de soin pour lui, qu’on lui parle, et, comme le disait un vieux gardien, qui a vu passer bien des condamnés, qu’on « essaye de le distraire ».

Cependant la justice poursuit son œuvre. La cour de cassation, jugeant au criminel, écoute l’avocat qui argumente, fait valoir les cas douteux et demande le renvoi de l’affaire devant d’autres assises. Là, dans l’enceinte où siègent les sages de la magistrature, l’homme et son crime ne sont jamais en cause ; c’est la procédure seule qu’on examine : a-t-elle été régulière ? n’a-t-elle violé aucun des articles si minutieusement prévoyants de nos codes ? l’accusé n’a-t-il été frustré d’aucune des garanties que la loi a stipulées pour lui ? Voilà ce qui importe et ce qu’on discute en l’absence du coupable, des témoins, du jury et des magistrats de la cour d’assises. La cour de cassation estime que les choses se sont pas-

    le 30 décembre 1869, est exécuté le 19 janvier 1870. On parait aujourd’hui négliger cette excellente coutume, qui mériterait d’être inscrite dans la loi. Ferré, condamné le 2 septembre 1871, Bourgeois, condamné le 4, Rossel, le 8, sont exécutés militairement le 28 novembre ; Gaston Crémieux, condamné le 28 juin, n’a été mis à mort que le 30 novembre : cent cinquante-cinq jours d’agonie ; c’est là une aggravation de peine devant laquelle tout législateur reculerait avec horreur (1872).