Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/313

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sespoir à l’échelle du gibet : « Allons donc, monsieur l’abbé, vous faites l’enfant ! » Mercier, qui raconte le fait dans son Tableau de Paris, s’indigne contre le costume de l’exécuteur qui, « poudré, galonné, frisé, en bas de soie, » fait son affreuse besogne aux applaudissements de la multitude[1].

Il n’aurait rien à reprocher aujourd’hui à celui qui manie le glaive de la justice, car sa tenue est aussi sévère que convenable ; mais que dirait-il de ses aides vêtus de costumes voyants et criards si peu en harmonie avec leurs redoutables fonctions ? J’ai regardé l’un d’eux, et je suis resté stupéfait : pantalon gris, redingote marron à collet de velours, cravate à mille raies, chemise de couleur. Pourquoi, par respect pour la justice dont ils exécutent les arrêts et pour l’acte lugubre qu’ils accomplissent, ne pas donner à ces hommes, qui sont pauvres et mal rétribués, un costume uniforme, noir, rappelant celui que portent les appariteurs des pompes funèbres, et qu’ils devraient revêtir au moment que l’on sait ? Cela serait grave et plus digne de la justice dont ils font l’œuvre. De plus, les aides doivent être jeunes, alertes, vigoureux, aptes à « donner un coup de main », s’il le faut, et n’être pas tels, que, par leurs mouvements lents, séniles, compassés, ils retardent les apprêts déjà si longs qui précédent le supplice.

Certes, depuis 1830 et successivement, on a fait, en cette déplorable matière, des progrès qu’il serait injuste de méconnaître ; mais il en est d’autres que l’humanité réclame impérieusement, qu’il est facile d’introduire dans les usages reçus et auxquels il est temps de pen-

  1. Ce sujet tenait au cœur de Mercier, car, avant d’en parler dans son Tableau de Paris, il avait déjà dit : « Votre justice n’épouvante pas, elle dégoûte : s’il est au monde un spectacle odieux, révoltant, c’est de voir un homme ôter son chapeau bordé, déposer son épée sur l’échafaud, monter à l’échelle en habit de soie ou en habit galonné et danser indécemment sur le malheureux qu’on étrangle. » (Voir L’an 2440, note de la p. 91.)