Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/315

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la cellule[1] à l’échafaud avec cet homme dont un brusque avertissement a brisé l’énergie et amolli les muscles. Il sort de son cabanon, il traverse une antichambre, une galerie ; il gravit vingt-six marches d’escalier en vrille où deux personnes ne peuvent passer de front qu’avec une extrême difficulté ; il parcourt un corridor qui a plus de cent mètres de longueur ; il descend onze marches, puis quinze, il pénètre dans l’avant-greffe ; il s’assoit pour la toilette ; il franchit le vestibule, puis un perron de trois degrés, il traverse la grande cour de la Roquette, il sort de la prison, il s’avance encore de dix-sept mètres, puis enfin il lui faut monter les dix marches qui aboutissent à la plate-forme où la mort l’attend.

Cette promenade à travers des escaliers et des couloirs est simplement barbare. Quatre coups de pioche ouvriraient à côté de la cellule même, dans le mur d’enceinte, une porte par où ce malheureux pourrait être conduit de plain-pied au supplice ; ne peut-on, si l’on recule devant cette mesure, le faire passer par les cours intérieures, quitte à laisser apercevoir le funèbre cortège par les détenus, et éviter ces ascensions répétées ? Pourquoi dix marches à l’échafaud ? pourquoi cette flagrante contradiction ? On fait ce que l’on peut, et avec raison, pour empêcher le public de voir ce spectacle, et c’est sur une estrade élevée qu’on pousse l’homme qu’on veut dérober à la vue de la foule ! Puisque l’on

  1. On peut être surpris que la Roquette soit si mal aménagée au point de vue des condamnés à mort ; cela tient à ce que dans le principe on n’y avait point pensé. C’est le 22 décembre 1836 que cette prison, primitivement désignée sous le nom de Petit-Bicêtre, fut constituée Dépôt des condamnés. Dés 1838 (14 mars) on se plaint qu’elle n’a point de localités convenablement disposées pour la garde des détenus frappés de la peine capitale. On remédia comme on put à cet inconvénient, on fit les cellules après coup, isolées des autres quartiers, et c’est ce qui explique, sans le justifier, la difficulté du trajet que le malheureux doit faire pour se rendre au lieu du supplice.