Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/329

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la politique. La guerre de Trente Ans, pour des raisons que la physiologie explique, avait amené en Europe une recrudescence du mal horrible qui ne porte aucun nom honnête, ni dans le langage vulgaire, ni dans la technologie scientifique, et qui pendant tout le dix-septième siècle sévit avec une rigueur implacable. Les écrivains familiers de l’époque, Saint-Simon, madame de Sévigné elle-même, racontent des détails qui prouvent que les plus hauts personnages n’en furent point exempts ; le duc de Vendôme en est la preuve.

Le 20 avril 1684, des lettres patentes signées Louis, et contre-signées Colbert, enregistrées au parlement le 29 du même mois, rendirent exécutoire un double règlement très-sévère, qui devait être appliqué aux femmes d’une débauche publique et scandaleuse ». La question sanitaire, si importante en pareille occurrence, qu’elle doit primer toute autre considération, a préoccupé le rédacteur des articles, car je lis : « Lesdites femmes seront traitées des maladies qui leur pourront survenir[1]. » Ce qu’on avait surtout en vue, c’était la punition : « Elles seront habillées de tiretaine avec des sabots ; elles auront du pain, du potage et de l’eau pour toute nourriture, et une paillasse, des draps et une couverture pour se coucher. On les fera travailler le plus longtemps, et aux ouvrages les plus pénibles que leurs forces pourront permettre. » Pour réprimer la paresse ou l’insubordination, on inflige le carcan et les « malaises ». On ne parle pas du fouet, qui cependant était indifféremment administré à chacune de ces malheureuses lorsqu’elle entrait dans la dure maison.

  1. Le plus ancien règlement français touchant ce triste sujet est l’ordonnance d’Avignon, 1347, qui recommande de rechercher les femmes atteintes de « mal provenant de paillardise ». En remontant aux origines mêmes des sociétés, on trouve des prescriptions analogues dans la Bible ; Nombres, ch. v, 2 ; Lévitique, ch. xv, 2-3. L’authenticité du texte d’Avignon est mise en doute par plusieurs syphiliographes.