Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/331

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les moyens d’existence de quelques seigneurs du siècle dernier ; le vicomte de Létorières, entre autres, que le théâtre et le roman ont popularisé de nos jours comme un type parfait de mœurs élégantes, faisait, selon ces rapports, un métier qu’il serait difficile de qualifier[1]. Du reste, c’était le bon temps pour les femmes de cette espèce, et la destinée de Jeanne Vaubernier, devenue comtesse Du Barry, semblait leur ouvrir toutes les voies de la fortune[2].

Les lieutenants de police se préoccupaient cependant de la démoralisation générale et des maux qu’elle entraînait. Berryer, en 1746, ébaucha un projet de règlement sanitaire qui n’eut pas de suites ; en 1762, un certain Aulas proposa un système complet qui fut rejeté, parce que « de pareilles mesures, dit le rapport de police, fourniraient matière à des risées pour le public ». En 1770, Restif de la Bretonne, dans son Pornographe, mêle aux très-sérieuses et très-pratiques améliorations qu’il conseille de telles divagations, qu’on passe outre sans l’écouter. Toute idée de surveillance parait abandonnée, et lorsque, le 6 novembre 1778, le lieutenant de police Lenoir publie la fameuse ordonnance qui règle encore aujourd’hui les garnis, les cabarets, les auberges et autres maisons où les femmes de mauvaise vie peuvent facilement trouver asile, il n’y fait même pas la plus légère allusion. Du reste, de tous les projets avortés qu’on a pu mettre au jour à cette époque, il semblerait ressortir qu’on voulait punir non

  1. Les femmes dont la réputation est venue jusqu’à nous, et qui passent pour avoir vécu au milieu d’un luxe extravagant, ont eu leur jour de misère ; dans un rapport du 12 décembre 1766, je lis : « Hier, la Duthé n’avait pas le sol ; elle a été obligée d’emprunter un écu de six livres pour aller aux Italiens. »
  2. Louis XV eut, un instant, l’idée d’épouser la Du Barry ; écrivant au duc de Choiseul pour amener la paix entre celui-ci et la favorite, il disait : « Si je l’épousais, tout le monde tomberait à ses genoux. » (Voir Lettres d’Horace Walpole, p. 220 ; citation de madame du Deffand.)