Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/344

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doit être morte, mais je n’en suis pas sûre. Si l’on insiste, on n’en tire plus que l’éternel refrain : Je ne sais pas !

Pour celles-là, pour ces misérables, dénuées, abandonnées, perdues avant même d’avoir pensé à se perdre, lorsque, d’indice en indice, on parvient, à force de patience et de soins, à remonter à l’origine, on trouve presque invariablement que l’enfant appartient à un père ou à une mère qui ont contracté un second mariage. Dans la classe ouvrière, c’est là une cause primordiale, essentielle de démoralisation. Lorsque c’est la mère qui s’est remariée et que l’enfant est jolie, il arrive fréquemment que le beau-père cherche à la débaucher. La mère, qui est femme avant tout, en devient jalouse et la chasse. Si c’est le père qui a convolé en secondes noces, la belle-mère tourne en marâtre, elle bat sa belle-fille, et l’enfant se sauve. Dans les deux cas, la pauvre petite est jetée sur le pavé. Si quelque bonne âme n’en a pitié et ne s’en charge, elle reste errante et vague comme un chien égaré. Elle couche sous les ponts, dans les chantiers, dans les bâtisses inachevées ; elle y rencontre la plèbe du vagabondage et du vol ; elle roule de misères en misères, d’aventures en aventures, jusqu’à la Préfecture de police qui, la voyant gangrenée dans ses moelles, la saisit au nom de la santé publique. Est-ce tout ? non pas, et il faut avoir le courage de descendre plus bas encore dans cette fange sociale où grouillent des perversités que l’on ne soupçonne pas. Si le huis clos des cours d’assises livrait ses secrets, on acquerrait cette épouvantable conviction que bien des pères ont eux-mêmes, emportés par une bestialité monstrueuse, poussé leurs filles dans le désordre et dans la honte.

J’ai lu dans plus d’un livre, et il est admis pour beaucoup d’esprits à courte vue, que ce sont les gens riches