Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/350

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tant que durera leur détention. Pendant que la pauvre femme parle d’une voix entrecoupée de pleurs, l’émotion gagne de proche en proche, et bientôt toutes ces malheureuses sanglotent ; car elles pleurent comme elles rient, sans trop savoir pourquoi. Il est extrêmement rare qu’on ne leur accorde pas l’autorisation demandée ; on leur fait faire la promesse, qu’elles n’observent pas toujours bien loyalement, de se représenter le lendemain. Quoi ! surseoir à une punition méritée et infligée pour qu’une femme, et quelle femme ! puisse aller soigner son chien ! c’est de la faiblesse ; — non pas, c’est simplement de l’humanité : toute douleur est respectable lorsqu’elle est sincère. Et puis, si, pendant la détention de sa maîtresse, le chien privé de nourriture devient enragé et qu’il en résulte un malheur dont on arriverait facilement à connaître la cause première, quels cris l’on pousserait, et de quoi n’accuserait-on pas la police !

On ne leur dit jamais, sur le moment même, de quelle punition elles sont administrativement frappées ; on le faisait jadis, mais l’une d’elles, emportée par un mouvement de colère, saisit un presse-papier en marbre et le lança à la tête du chef de bureau ; depuis cette époque, elles sont réintégrées au Dépôt, mises en voiture cellulaire et conduites à Saint-Lazare, où le greffier leur donne communication de la peine prononcée contre elles. Elles quittent leurs vêtements prennent le costume de la prison, la robe de laine à raies noires et bleues, le bonnet de laine noire, le fichu de cotonnade blanche, et, dans leurs compagnes de captivité, retrouvent le plus souvent leurs camarades de débauche. Heureuses celles qui, protégées par les maîtresses des maisons auxquelles elles appartiennent, reçoivent le panier, c’est-à-dire quelques mets moins grossiers que ceux du réfectoire, et le linge indispensable dont