Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/366

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crètes d’une société, nous sommes bien malades ; mais il ne faut point désespérer ; il vaut mieux regarder le mal en face et déchirer les voiles ; il est puéril de fermer les yeux et de croire que le danger a disparu parce qu’on ne le voit plus. De quoi se compose cette armée de dépravation, de débauche et de ruine, qui nous enserre si bien à cette heure, qu’elle semble obstruer toutes les avenues de notre vie ? De trente mille femmes, si l’on ne s’occupe que de celles qui, par leur existence extravagante, insouciante, excessive, font courir un danger réel à la santé publique. C’est le chiffre qu’on donnait déjà au commencement du siècle ; c’est le chiffre que Mercier inscrivait en 1780 dans son Tableau de Paris. Il est, sans aucun doute, au-dessous de la vérité ; mais, en cette matière, les documents n’ont rien de certain, ils ne sont qu’approximatifs ; on ne possède que des observations générales qui, suffisantes pour asseoir les probabilités d’une hypothèse, n’affirment rien d’une manière positive. Si, faisant le dénombrement de la prostitution insoumise et clandestine, on veut, pour rester dans la réalité absolue du sujet, compter toutes les femmes qui ne vivent que de galanterie, depuis la grisette qui est « mise dans ses meubles », jusqu’à la grande dame qui, avant de se rendre, exige et reçoit un million en pièces d’or nouvellement frappées, on peut hardiment quadrupler le chiffre et l’on arrive à cent vingt mille. Qu’on ne se récrie point ! Il n’y a qu’à regarder impartialement autour de soi pour être convaincu.

Pourquoi, puisque chaque soir elles remplissent les lieux publics, puisqu’elles s’entassent, au vu et au su de tout le monde, dans les cafés les mieux éclairés, les plus fréquentés, pour y faire ouvertement leur manège, la police n’intervient-elle pas et ne met-elle pas bon ordre à de tels scandales si fréquemment renouvelés ? Par une raison fort simple : parce qu’on lui impose deux