Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/384

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lard opulent qui, se souvenant des folies de sa jeunesse, de l’argent qu’il a jeté à l’égout de la corruption, donnera à ces maisons de refuge, à ces hospices de la morale, la somme dont ils ont besoin pour agrandir leur cercle d’influence et accueillir toutes les délaissées, toutes les repenties qui viennent frapper à la porte et demandent à entrer pour l’amour de Dieu ! Ne se trouvera-t-il pas une pécheresse enrichie qui aura pitié de ses sœurs aspirant au bien ? L’exemple de Théodora ne tentera-t-il pas une des parvenues de la débauche et de la vénalité ? Quand, après avoir été pantomime et courtisane, la fille d’Accacius, le montreur d’ours, se fut assise aux côtés de Justinien, sur le trône d’or des empereurs de Byzance, elle pensa à la vie qu’elle avait menée jadis, et près des rives du Bosphore, probablement à l’endroit où s’élève actuellement le Téké des derviches hurleurs de Scutari, elle fonda une maison hospitalière pour les filles que leur existence dégoûtait et que la grâce avait touchées.

Il serait à désirer que ces refuges fussent multipliés, et qu’au lieu de les enfermer dans l’intérieur même de notre grande ville, on pût les installer à la campagne, dans de larges espaces, au soleil, parmi les prés verts et les bois, où ces pauvres filles, harassées d’elles-mêmes et des autres, pourraient, en plongeant dans la nature, reconquérir la santé morale qui leur manque. Presque toutes, elles aspirent vers la vie des champs ; elles sont gorgées de Paris, de son bruit, de son indifférence, de son tumulte inhumain : « Je suis saturée de boue et de gaz, disait l’une d’elles ; il n’y a pas de vrais arbres aux Champs-Élysées. » La lassitude excessive est du reste un caractère général chez les filles ; il n’en est pas une peut-être, parmi celles que le sort a le plus favorisées, qui ne ferait volontiers graver sur sa tombe la mélancolique inscription que Brantôme a re-