Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/416

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enceinte dont l’accès serait interdit au public. L’Angleterre, enfin, vient de déclarer, à son tour, que les exécutions capitales auront lieu dans l’enceinte de la prison où le condamné était détenu.

Cependant le sentiment public se faisait jour au milieu de nous. En 1838, en 1839, le garde des sceaux recommandait par des instructions spéciales, d’éviter les jours de marché : « La réunion d’une grande foule, disait-il, fait de l’exécution d’une peine une sorte de spectacle populaire qui, loin de répandre d’utiles enseignements, peut contribuer à la dépravation des mœurs. » En 1848, par le décret du 12 avril : « Considérant que le spectacle des expositions publiques éteint le sentiment de la pitié et familiarise avec la vue du crime, le gouvernement provisoire abolit le carcan et l’exposition publique ; » la loi du 2 janvier 1850 supprima l’affiche de l’arrêt contumace que l’exécuteur des jugements criminels attachait à un poteau planté au milieu d’une place publique du chef-lieu de l’arrondissement où le crime avait été commis.

Voilà nos premiers pas dans la voie que les nations étrangères avaient parcourue tout entière. Avions-nous donc besoin de tant d’exemples ? devant les ignobles scandales qu’à chaque exécution capitale donne la foule immense qu’elle attire, devant cette avide curiosité qui appelle tant de spectateurs à rechercher la vue de la sanglante tragédie, n’est-il pas temps d’anéantir une désastreuse publicité ?

J’ai dit que devant la commission, unanime pour l’adoption du projet, une voix avait réclamé. L’honorable M. Napoléon de Champagny admet le principe de la loi ; il accepte la pensée de l’exécution sans publicité, mais il demande la faculté pour les cours d’assises de prononcer autrement. D’obligatoire qu’elle est aujourd’hui, la publicité de la peine deviendrait facultative. Il propose, en conséquence, l’amendement suivant :

« L’exécution, quand il n’en sera pas autrement ordonné, se fera dans l’intérieur de la maison de justice ou de détention ;

« Dans le cas contraire, l’exécution se fera sur l’une des places publiques du lieu qui sera indiqué par l’arrêt de condamnation. »

L’auteur de l’amendement l’a fait suivre d’une note que nous plaçons sous vos yeux :

« L’exposé des motifs de la proposition a établi avec beaucoup de force la cause qui doit faire disparaître la publicité des exécutions capitales ; toutefois il me semble que, surtout dans les premiers temps qui suivront cette innovation, il pourra se rencontrer des circonstances qui rendront cette mesure regrettable. Il se répand souvent, parmi les populations, des bruits plus ou moins fondés qui présentent un accusé ou même un condamné comme étant l’objet d’une bienveillance ou d’une protection occultes qui n’oseraient pas se manifester ostensiblement, mais qui chercheraient à empêcher, par des manœuvres, l’accomplissement de la loi. Plusieurs fois, des