Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vivons toujours sous l’empire des vieilles traditions. Pendant les temps qui ont précédé la nuit du 4 août, tant d’arrestations illicites ont été faites, tant de lettres de cachet ont été distribuées par le bon plaisir, tant d’enlèvements monstrueux ont été commis par la force, tant d’honnêtes filles ont été jetées à l’hôpital, tant de braves garçons ont été déportés aux îles, tant de Latudes ont croupi dans les geôles, qu’il nous est resté au cœur je ne sais quelle colère chevaleresque qui nous pousse à donner aide aux prisonniers avant même de savoir pourquoi on les arrête ; comme don Quichotte, nous sommes toujours prêts à rompre une lance en faveur de Ginesille de Parapilla. Mauvaise habitude de générosité excessive et irraisonnée qui se perdra le jour où la France aura compris que la première vertu d’une nation qui veut être grande est de savoir respecter la loi[1].

Les quatre-vingts postes de sergents de ville sont intéressants à visiter ; au premier abord, ils ne révèlent rien de curieux. C’est dans la plupart des cas une grande chambre grisâtre, mal carrelée, munie de lits de camp où s’étalent des matelas sans oreiller ; une table en bois noirci, un ou deux becs de gaz et un poêle en fonte complètent cet ameublement. Un examen moins superficiel montre bien vite l’utilité multiple des hommes qui habitent là et se délassent de leurs fatigues en fumant leur pipe, en lisant le journal ou en jouant aux dames. Une civière à sangles est accrochée dans un coin, prête à se déplier pour recevoir le maçon tombé de son échafaudage, l’homme écrasé par une voiture, l’enfant qui s’est cassé la jambe. Cette précaution n’est point nouvelle, et Mercier raconte que c’est de son temps qu’on mit des

  1. Nous avons toujours été ainsi ; le 8 mai 1368, Hugues Aubriot fait faire un cri public pour ordonner, sous peine d’amende arbitraire, à tout habitant de Paris de prêter main-forte aux sergents lorsque, dans les cas d’arrestation de criminels, ils crieraient : Aide au Roi !