Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/97

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terne et la corde abandonnées par les voleurs dans le cabinet même où le méfait avait été commis, pour nommer immédiatement Étienne Fossard et Drouillet, qui en effet étaient les auteurs du crime. Une telle pénétration est le fruit d’observations perpétuellement renouvelées, d’une expérience que chaque jour fortifie et d’une tension d’esprit que rien ne fait fléchir. Il en est des facultés intellectuelles comme des muscles du corps : à force de les exercer, on les développe outre mesure.

C’est ainsi que les agents de la sûreté acquièrent une mémoire surprenante et qu’il leur suffit parfois d’avoir aperçu un visage pour le reconnaître malgré les modifications qu’on a pu lui faire subir. Un jour, un inspecteur du service de la sûreté, passant sur le quai aux Fleurs, avise un individu dont la figure éveille en lui un souvenir confus. À tout hasard, il se met à suivre l’homme qui, se voyant filé, monte dans un omnibus. L’agent en fait autant, s’installe en face de lui et se met à le regarder fixement. Le pauvre diable se trouble et dit à voix basse : « Ne m’arrêtez pas devant tout le monde. » Lorsque l’omnibus, continuant sa route, fut arrivé sur le quai de l’Horloge, devant la rue du Harlay, l’inspecteur descendit avec sa capture, qu’il réintégra au Dépôt. C’était un voleur qui, le matin même, avait trouvé moyen de s’évader d’un des bureaux de la préfecture où on l’interrogeait, et où l’agent l’avait entrevu en traversant un couloir.

Le hasard y est pour beaucoup, soit ; mais il faut être attentif à toutes les révélations inattendues des circonstances fortuites. À force de ne penser qu’à l’objet de leur mission, ils semblent n’avoir plus d’autre sentiment que celui d’une investigation perpétuelle. S’ils pénètrent dans une chambre encore pleine de sang et dont les corps assassinés n’ont point été enlevés, ils ne s’attendrissent pas, ils ne perdent pas leur temps en lamen-