Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/141

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contre les murs mêmes de la Folie-Chartres, c’est-à-dire du parc Monceau, était bordé par le mur d’enceinte, la rue de Valois et la rue du Rocher, qui à cet endroit s’appelait la rue des Errancis. Ce fut le cimetière de Mousseaux, comme l’on disait administrativement ; mais pour tout le peuple de la Petite Pologne le vieux mot avait persisté, et ce fut toujours le cimetière des Errancis. Il dominait et pouvait regarder la voirie établie au bas de la butte, sur les lieux où la place Delaborde s’étale actuellement. Il dut être « inauguré » en juillet 1793, car le corps de Charlotte Corday fut un des premiers que l’on y transporta. Il reçut toutes les fournées de thermidor : ces durs hommes de la montagne y furent rejoints plus tard par Bourbotte, Romme, Goujon, Duquesnoy, Duroy et Soubrany. Le cimetière a été promptement clos et mis hors d’usage ; avant le 18 brumaire on n’y enterrait plus, et l’existence en semblait ignorée. J’y ai connu un cabaret à musique ; on y buvait, on y dansait, on y chantait. L’annexion de la banlieue a fait disparaître ce « petit Tivoli ». Le boulevard Malesherbes, le prolongement de la rue Miroménil, ont morcelé l’ancien cimetière ; ce qui en reste aujourd’hui est clos de murs, et quelques joueurs de boule s’y réunissent pour viser le cochonnet. Picpus, la Madeleine et les Errancis furent donc les trois dépôts de la guillotine.

Dans certains cas de mort naturelle frappant des prisonniers importants, on avait recours aux anciens cimetières de paroisse. Le 10 juin 1795, à la nuit tombante, le corps de Louis XVII fut conduit et inhumé au vieux cimetière Sainte-Marguerite-Saint-Antoine. Aux premiers jours de la Restauration, on bouleversa le terrain sans pouvoir découvrir le corps ; celui-ci, déterré furtivement par suite d’ordres supérieurs, dans la nuit qui suivit l’inhumation, avait été transporté à Sainte-Catherine. L’état dans lequel on retrouva le sol