Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/194

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couper. Tout s’enchaîne en matière de gouvernement : permettre d’insulter Dieu, c’est nuire au garde champêtre. L’administration supérieure considère qu’il est de son devoir rigoureux de défendre contre les attaques possibles la religion, les mœurs, la politique, les puissances étrangères dont il est inutile, sinon périlleux, de surexciter les susceptibilités ; en outre, l’on estime que les œuvres théâtrales écoutées par la foule agglomérée, sujette à des sortes de commotions électriques, exercent une influence rapide et communicative bien plus profonde que celle du livre ou celle du journal, qui n’agissent jamais que sur les individus isolés ; il est donc naturel que l’on ait constitué une commission d’examen chargée de porter un jugement préalable sur les pièces, avant qu’elles soient livrées au public : c’est la censure.

Beaucoup l’ont maudite qui lui ont fait les doux yeux à certains moments, et Voltaire, qui l’a si fort malmenée lorsqu’elle était exercée par Crébillon, ne se faisait pas faute de l’invoquer contre Palissot et pour empêcher qu’on ne laissât jouer la parodie de ses propres œuvres. Elle a eu parfois à soutenir de rudes assauts dont elle n’est pas toujours sortie victorieuse ; sa plus grande bataille a été livrée contre le Mariage de Figaro, et quoiqu’elle fût soutenue par Louis XVI, on connaît le résultat de la lutte.

À la suite de toute révolution, la censure s’effondre et le pouvoir nouveau croit faire acte de popularité en la supprimant. Il suffit de voir ce qui se passe alors pour comprendre qu’elle peut n’être pas inutile. La scène devient immédiatement un tréteau, où les grivoiseries, pour ne pas dire plus, s’étalent impudemment. Les hommes les plus respectables sont personnifiés, jetés en pâture à un public qui pardonne tout pourvu qu’il s’amuse ; après la révolution de 1830, dans un