Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/217

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leur coupe la tête[1] ; sous le premier Empire on les fait taire ; sous la Restauration on les emprisonne ; sous le gouvernement de Juillet on les ruine et l’on invente pour eux un nouveau crime, appelé la complicité morale ; pendant la seconde république, un ancien journaliste républicain, élu député, monte à la tribune pour demander qu’ils soient déportés en masse ; sous le second Empire on leur applique des mesures administratives jusqu’au jour où, redevenus libres, ils rentrent dans les exagérations qui semblent faire partie de leur nature même.

Tous les gouvernements qui écrasent la presse meurent, tous ceux qui la respectent périssent, ce qui tendrait à prouver qu’elle a bien peu d’influence sur leur destinée. Pour bien des gens, la presse périodique est la cause de tous nos maux ; elle sonne la fanfare des émeutes et par une action incessante désagrège lentement, mais invinciblement, tous les principes qui sont l’honneur et la sécurité des États ; volontiers ces gens-là diraient ce que Mouktar-Pacha, fils d’Ali-Tépéleni, disait à Pouqueville : « Il n’y a que nous autres pachas qui devrions savoir lire et écrire ; si j’avais un Voltaire dans mes États, je le ferais pendre. »

La presse est souvent irritante, agressive, présomptueuse, ignorante, mais souvent aussi elle est très-honorable, sage et courageuse. Au 18 mars 1871, quand le pouvoir, effaré, avait quitté Paris et s’était rejeté sur Versailles en ordonnant d’évacuer tous les forts, même le Mont-Valérien, qui donc est resté imperturbablement au poste de bataille ? La presse, qui a lutté avec une énergie loyale et vigoureuse jusqu’à l’heure où les jour-

  1. La journée — le coup d’État — du 18 fructidor (4 septembre 1797) est surtout dirigée contre les journaux ; quarante-deux rédacteurs sont arrêtes. Le 19, une loi place les journaux, les feuilles périodiques de toute sorte, les presses consacrées à leur impression sous l’inspection de la police, qui peut les supprimer à volonté.