Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/253

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300 000 badauds errant dans les rues font croire volontiers que toute la ville est dehors ; si, comme aux jours de Lesage, Asmodée enlevait subitement le toit des maisons, on serait stupéfait de la quantité de travail que contient cette ville de plaisir.

C’est, par excellence, le pays de l’invention et du perfectionnement ; chaque jour apporte sa découverte, et le monde en profite. Mais à côté des inventeurs qui font sa gloire, Paris est plein de gens qui cherchent le mouvement perpétuel et la quadrature du cercle ; nous avons des chimistes fort remarquables et qui ont fait parler d’eux, mais ils sont en bien petit nombre lorsqu’on les compare aux alchimistes qui poursuivent le grand œuvre et ne désespèrent pas de trouver la pierre philosophale. Il ne peut en être autrement dans une ville très-peuplée, où chacun suit son idée sans se préoccuper de celle d’autrui ; dans les foules comme dans le désert, on est égoïste ; le voyageur ne marche que vers le point qu’il a entrevu ; les asiles d’aliénés, les hospices pour les indigents recueillent ceux qui sont tombés en route ; mais quelques-uns arrivent « à côté », comme ils disent, et plus d’une découverte scientifique importante a été due, de nos jours, aux souffleurs qui rêvent la transmutation des métaux.

On dit et l’on répète : Paris est dur aux inventeurs, dur au pauvre, dur à l’ouvrier. Cela est faux. Paris, comme toute autre capitale, est surtout hospitalier pour les personnes qui ont de l’argent, cela est incontestable ; mais en temps normal et à la condition de vouloir travailler, on y peut vivre sans peine : il a des salaires pour tous les labeurs, il a des moyens d’existence pour toutes les bourses, et, malgré son indifférence, il est très-miséricordieux. Il est fort aveugle dans ses engouements, on peut en convenir ; mais il a cela de commun avec les groupes très-nombreux où, naturellement, la