Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/262

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Quelques avocats s’étaient fait une sorte de spécialité de ce genre d’affaires ; tout fut mis en œuvre pour entraîner le jury à des prodigalités que l’on obtenait d’autant plus facilement qu’elles créaient un précédent dont un juré-propriétaire pourrait tirer parti plus tard, s’il venait lui-même à être exproprié. On plaida l’expropriation immobilière, l’expropriation industrielle, l’expropriation locative, l’expropriation sentimentale ; on parla du toit des pères et du berceau des enfants ; tout se chiffrait par centaines de mille francs, qui firent bientôt des centaines de millions. Dans plus d’un cas l’on put croire qu’il y avait volonté formelle de contraindre la Ville à des emprunts nouveaux. — Dans une affaire d’expropriation intéressant nos établissements hydrauliques, les ingénieurs offrent au propriétaire du terrain une somme de 75 000 francs, qui est acceptée verbalement avec reconnaissance. Un décret d’expropriation pour cause d’utilité publique intervient ; le propriétaire rejette les conditions du premier marché, s’adresse aux tribunaux, demande 1 800 000 francs, et en obtient 950 000. — Un industriel fort connu du boulevard des Italiens se déplace pendant dix-huit mois, occupe durant cette période une boutique située en face de celle que l’expropriation le forçait de quitter, et pour ce facile déménagement reçoit 300 000 francs. C’est par milliers que l’on pourrait citer de semblables exemples. « Comment avez-vous fait fortune ? » disait-on à un nouvel enrichi, lequel répondit : « J’ai été exproprié. »

Non-seulement on chercha à émouvoir le jury par

    tion : « En ce que l’arrêt attaqué aurait à tort déclaré acquis à des locataires, par le seul effet du jugement d’expropriation pour cause d’utilité publique, le droit à une indemnité d’éviction, avant qu’aucun acte émané de l’expropriant les ait troublé dans leur possession, et malgré la déclaration à eux notifiée qu’il respecterait leurs baux et entendait les laisser jouir des lieux loués jusqu’à expropriation. »