Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/283

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La mort de M. Affre, de M. Sibour, de M. Darboy, démontre mieux que tout autre fait notre misérable état social : l’un est tué sur les barricades ; l’autre est assassiné par un prêtre ; le troisième est fusillé. Est-ce donc à dire que ce peuple est impie et qu’il pousse l’horreur du catholicisme jusqu’à en tuer les ministres ? Nullement ; ce peuple est sans mesure. Il a frappé les otages de 1871 comme il avait frappé les huguenots de 1572 ; il à ses heures de folie, heures terribles, où rien ne lui répugne. Selon ses sensations du moment, il battra des mains devant le bûcher des « hérétiques » ou démolira l’archevêché pierre à pierre.

Lorsque, le 15 février 1831, l’émeute se rua sur la demeure de M. de Quélen, elle obéissait surtout à une impulsion politique ; elle avait brisé d’abord le buste du duc de Bordeaux, que l’on avait imprudemment exposé dans l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, et de là elle s’en alla faire le sac de l’archevêché. La rivière charria les manuscrits et les livres précieux ; le peuple, pour s’amuser, revêtit les habits sacerdotaux et fit, à travers nos rues, de honteuses mascarades. Ne faisons pas retomber sur lui toute responsabilité ; de tristes exemples lui avaient été donnés dont le souvenir n’était pas tout à fait éteint. Parmi les meneurs de ce mouvement sans excuse, des vieillards se trouvaient peut-être qui se rappelaient avoir vu, le 17 brumaire an II, l’évêque Gobel, suivi de ses vicaires et de plusieurs curés, défiler devant la Convention, coiffer le bonnet rouge, recevoir l’accolade du président, déposer ses lettres de prêtrise et « briser sur l’autel de la patrie les hochets de la superstition ».

Certes, pendant la Terreur, il n’était pas prudent de laisser transsuder ses sentiments religieux, et pourtant les prêtres non assermentés qui, courageusement, disaient la messe dans les greniers et dans les caves, fu-