Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/296

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des portes et l’on ferme les volets ; la morale n’y gagne rien ; ce prétendu respect des mœurs n’est que la crainte de s’enrhumer et constitue, en fait, une sorte d’hypocrisie qui est un vice de plus. Les voyageurs qui, la nuit venue, ont ouvert les portes de Londres, qui sont descendus dans les palais du gin, qui ont visité les autres secrets sous la conduite des policemen, ont gardé dans leur souvenir l’horreur de tels et si odieux spectacles.

Dans ces grandes capitales qui parfois daignent nous inviter à plus de retenue, on recherche les plaisirs faciles, les déceptions de l’amour vénal tout autant qu’à Paris : plus brutalement, plus violemment peut-être et sans cette pointe de sociabilité qui ôte au vice quelque chose de sa laideur. L’islamisme, je dirai plus, l’Orient antique et moderne, a compris de tout temps l’influence du climat sur les mœurs apparentes ; dans ces pays où la vie libre sous un ciel tiède est un besoin impérieux, on a supprimé la femme ; elle est forclose dans le harem, — textuellement, l’interdit. Mais en Orient, à Paris, à Londres, à Berlin, partout, les femmes savent fort bien découvrir, comme dans le Madrid de Gil Blas, des personnes complaisantes qui les aident à « concilier leur tempérament avec la bienséance ».

Paris est démoralisé, je n’y contredis pas ; on parle beaucoup de ses élégances scandaleuses et de son laisser-aller excessif, pour ne pas dire plus ; soit. Mais parmi les créatures du monde interlope, quelles sont donc ces deux femmes dont le luxe outrageant a révolté les âmes honnêtes ? L’une vient de l’autre côté de l’Atlantique, et c’est un souverain étranger qui l’a enrichie ; l’autre est une juive née sur les bords de la Moskowa, et si elle ne porte plus son nom patronymique, c’est qu’elle l’a légitimement échangé contre celui d’un homme très-riche qui n’est ni Français, ni Parisien, mais qui appartient à la nation chez laquelle les succès militaires pas-