Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/372

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ment furent écoutés ; on conspua les orateurs qui demandaient le salut de la patrie, pour suivre ceux qui promettaient l’interversion sociale. Ces rhéteurs sans patriotisme ni vertu, à qui tout moyen est bon pour se mettre en évidence, ne sont pas rares, car il y a en France plus de 200 000 individus dont le refuge ou le piédestal est Paris, dont la vanité seule égale l’ignorance et qui sont persuadés qu’ils sont nés pour être premiers ministres, — Sully ou Richelieu, à volonté. — « Comme si un égout de Paris était la Seine, » disait Camille Desmoulins en parlant d’Hébert. C’est là le défaut des sociétés sans hiérarchie ; qui dit sans hiérarchie, dit sans équilibre. Cette hiérarchie, le peuple de Paris voudrait la créer, en la reconstituant à son bénéfice exclusif. Il estime que son heure est venue et que la direction générale doit lui appartenir.

Il sait que nulle carrière n’est fermée à son intelligence et à son activité ; il sait que sous le règne de Louis-Philippe, qui fut un gouvernement presque spécialement livré aux mains de la bourgeoisie, plus d’un ministre avait été ouvrier ou était directement issu de la classe ouvrière ; mais cela ne lui suffit pas ; ce sont là, dit-il, des exceptions ; il ne veut pas se contenter de détacher de lui les individualités remarquables qu’il renferme, pour les pousser au sommet, il veut y arriver en masse, non pas isolément, mais comme caste ; l’expression du nombre étant devenue le droit, il exige son avènement et accuse d’un déni de justice ceux qui le lui contestent. Le mot a été dit : ce sont les nouvelles couches sociales qui réclament le gouvernement des destinées du pays. Elles veulent faire contre la bourgeoisie la révolution qu’au siècle dernier celle-ci a faite contre la noblesse. Que des ouvriers ignorants, avides de jouir, grisés par une rhétorique frelatée, aient rêvé cette billevesée, cela n’a rien d’extraordinaire ; mais il