Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/390

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lontiers en commissions, en sous-commissions, en comités. Il est fort rare que dans le même groupe exerçant la même profession, ayant, par conséquent, les mêmes intérêts, les avis partagés ne donnent lieu à des discussions passionnées où chacun fait de l’opposition pour son propre compte et dont il est impossible de voir jaillir une lumière quelconque. C’est la toile de Pénélope, incessamment défaite, incessamment refaite. Les théories s’expriment en termes nuageux que chacun approuve ; mais dès qu’il s’agit de les condenser et de les faire passer à l’état pratique, néant ; on tombe dans une stérilité sans nom qui décourage les plus avisés, surexcite les niais, mais qui fait dire à tous : Qu’importe ? notre jour viendra ! Autant de corps de métiers, autant de tendances différentes ; autant de commissions, autant de visées particulières ; autant d’hommes, autant d’opinions individuelles. Actuellement, le socialisme du prolétariat est une religion qui n’est composée que de schismes.

On croit que les ouvriers ont compris l’extrême importance de la force savante, c’est-à dire de l’organisation ; on croit qu’en toutes circonstances ils reçoivent un mot d’ordre et y obéissent passivement comme des moines ou comme des soldats. C’est une erreur. Cette erreur est naturelle, et elle a pris naissance à la suite de certaines élections politiques où l’habitant de Paris a voté avec un ensemble extraordinaire. C’était le résultat d’une discipline de fait, et non point le résultat d’une discipline organisée. Tous les hommes qui ont en haine notre état social et qui voudraient le renverser, acceptent, sans hésitation ni discussion, le candidat qui leur paraît le plus apte à le combattre : affaire de lutte, voilà tout. Les comités électoraux, les journaux de l’opposition ne veulent pas être distancés sur cette voie où la fortune appartient au plus violent, et ils sont forcés,