Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/73

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maison faisant face à l’Hôtel de Ville, l’autre au Palais de Justice, dans le greffe du tribunal de première instance. Toute mauvaise chance de destruction semblait ainsi évitée ; si l’un de ces dépôts venait à être anéanti, l’autre fournirait immédiatement, au moyen des doubles, les documents nécessaires à une reconstitution. Les hommes de 1792 n’avaient point deviné les hommes de 1871.

Tous les registres des paroisses, des consistoires protestants et israélites, les archives des ambassades de Suède, de Danemark, de Hollande, qui enregistrèrent l’état civil des protestants entre la révocation de l’édit de Nantes et l’édit réparateur de novembre 1787 ; tous les registres municipaux des mairies depuis le 1er janvier 1793 jusqu’au 1er janvier 1860, des liasses énormes de documents de toute espèce et de toute provenance étaient méthodiquement accumulés, rangés, et formaient un trésor historique d’une incalculable richesse. Il existerait encore à l’heure où nous sommes, ce livre d’or de notre population, si Paris n’avait subi la Commune. Les légères feuilles de papier où chacun pouvait trouver la preuve de sa propre légitimité, dévorées par les flammes et emportées au vent, n’ont plus été qu’un peu de cendres noires. L’Hôtel de Ville, la maison du peuple même, n’a pas été épargné plus que le Palais de Justice ; tout est brûlé.

En présence d’un tel sinistre, où la bêtise le dispute à la férocité, on put croire que tout était perdu ; sur quelles pièces dorénavant établir la réalité des relations des familles ? Nul ne pouvait faire preuve d’ascendance, ni de filiation, ni de mariage ; il n’y a plus que des pères putatifs, des enfants naturels, des unions illégitimes, des successions contestables ; la justice civile se trouble ; nulle certitude en ces délicates matières, à peine reste-t-il quelques présomptions ; c’est la