Page:Du Camp - Souvenirs d’un demi-siècle, tome 2.djvu/288

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geait vers Paris, où l’on s’attendait à quelque tumulte. Les autres commandants en chef rattachés à la conspiration mettaient leurs troupes en mouvement et tâchaient de rejoindre l’Empereur. Quoique l’on ne fût pas sans inquiétude sur la réception que la population parisienne réservait à « l’homme de Sedan », on se croyait en mesure de réprimer toute tentative d’opposition qui se manifesterait par des actes ; un nombre considérable de partisans de l’Empire existaient encore à Paris, qui ne se seraient point armés pour le ramener, ni même pour le défendre ; mais qui, semblables aux comparses d’un drame, pouvaient se réunir autour du personnage principal, l’acclamer, battre des mains et grossir son cortège jusqu’à en faire une foule.

Bien plus sérieux eût été l’appoint que l’on eût rencontré dans les services actifs de la préfecture de Police, composés d’anciens soldats de Crimée, d’Italie, du Mexique, dévoués à leur vieux maître, irrités au souvenir de la journée du 4 Septembre qui les avait humiliés, furieux contre la Commune qui les avait assassinés, rêvant de prendre leur revanche d’un état de choses qui diminuait leur importance et semblait les tenir en suspicion. C’est à ceux-là, agents du service des garnis de la sûreté, officiers de paix et sergents de ville que le soin de « la rue » est confié, au début des émotions populaires. On peut apprécier ce qui en eût été ; ils se fussent portés au-devant de Napoléon III. J.-M. Piétri, qui connaissait bien son ancien personnel, avec lequel il était resté en relations secrètes, m’a dit : « Au premier cri de : Vive l’Empereur ! ils auraient tourné casaque et, par leur exemple, eussent entraîné la garde municipale. »

Un homme qui, pendant les dernières années du Second Empire, avait été chef du service des mœurs et chargé de la surveillance du Bois de Boulogne, Carlier, qui est actuellement (1888) chef du bureau des titres à l’administration des chemins de fer de l’Ouest, avait été mis dans le secret. Très énergique, ultra-bonapartiste, plein de malice, policier supérieur, connaissant les hommes et sachant les manier, il avait ramassé, pour une œuvre qu’il n’avait pas dévoilée, une sorte de bataillon de sacripants, prêts à toute besogne et qu’une haute paie maintenait en discipline. C’eût été là, au besoin, une avant-garde ou une réserve de combattants dont le concours n’était pas à dédaigner. On peut, je crois, affirmer que l’ancienne police se serait jetée avec ardeur