Page:Du Deffand - Correspondance complète de Mme Du Deffand avec ses amis, tome 1.djvu/258

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Je vous demande un grand secret sur ce que je vous ai mandé ; je vous en dirai la raison quand je vous verrai. J’ai mille choses à vous dire qui vous feront plaisir.




LETTRE 6.


M. LE PRÉSIDENT HÉNAULT À MADAME LA MARQUISE DU DEFFAND.


Lundi, 2 juillet 1742.

Je ne serai tranquille que quand j’aurai reçu de vos nouvelles, et je crains bien que ce ne puisse être que jeudi. Vous avez eu le plus beau temps du monde, s’il y en a un beau pour qui n’aime pas à aller. Aujourd’hui surtout, le soleil ne paraît qu’à peine, et l’air est chaud sans être brûlant. Je compte, si vous avez exécuté vos projets, que vous arriverez ce soir de bonne heure, et qu’à dix heures je pourrai vous donner le bonsoir. J’écrivis hier à Formont. Je suis fâché de ne vous avoir pas donné les Lettres de Bayle à emporter, cela vous aurait amusée, quoique je croie que vous les avez lues ; mais cela souffre une seconde lecture, et vous pourriez charger Formont de vous les apporter. Je lui ai mandé toutes vos aventures. Pour les miennes, elles se réduisent à un souper à Meudon, où nous allâmes hier, d’Ussé[1] et moi : j’avais vu la maréchale de Noailles qui était venue chez moi ; elle est fort aise du brevet et fort contente de la petite femme qui l’était venue consulter pour savoir si elle prierait madame d’Antin de venir à la présentation[2].

La maréchale n’en a point été d’avis ; mais elle lui a su gré de sa confiance. Nous partîmes donc d’Ussé et moi, sur les six heures je m’imaginai être à l’année 1698, et que je m’en allais en vendange. D’abord nous parlâmes de vous et nous n’en dîmes pas à beaucoup près autant de mal que vous en dites vous-même. Nous trouvâmes, en arrivant, cour plénière : madame de Maurepas, madame de la Vallière, madame de Brancas, Cereste, l’abbé de Sade, la Boissière, l’évêque de Saint-Brieuc, l’intendant de Rennes, M. de Menou, etc. ; mais tout cela ne

  1. Le marquis d’Ussé, gendre du maréchal de Vauban, homme d’esprit, auteur de deux tragédies. (L.)
  2. Allusion au brevet d’honneur accordé par le roi à M. de Forcalquier, et au tabouret accordé également à sa femme, mademoiselle de Canisy, veuve du marquis d’Autin. V. Mémoires du duc de Luynes, t. IV, p. 185 et 193. (L.)