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LES POIRES D’OR


Enfin, au douzième son qui tintait comme un glas, un hibou perché dans le poirier, s’envola en poussant des cris. Claudik regarda aussitôt et aperçut quoi ? Un bras long, long, qui s’allongeait entre les feuilles et une main énorme qui s’ouvrait déjà pour saisir la poire d’or… Holà ! qui va là ? Et un grand coup de sabre, et voilà la main énorme de tomber, et la poire d’or de rouler à terre dans une mare de sang… Puis un grand cri, un hurlement à faire sombrer des vaisseaux, un soupir pareil à un coup de vent et puis… rien du tout.

Claudik commença par ramasser sa poire d’or, l’essuya proprement et la fourra dans sa grande poche. Mais que faire de cette main de géant, coupée au poignet, et dont les grands doigts remuaient encore !!! Seigneur Dieu !… Il eut d’abord l’idée d’aller jeter la main dans la mer que l’on voyait de là ; mais il songea que cette main devait appartenir à quelqu’un, et qu’une main si grande devait être la propriété de quelque géant bien riche et bien puissant, quoique voleur, lequel ne serait peut-être pas fâché de ravoir sa main, surtout s’il était possible de la raccommoder. Or, le sonneur de biniou, en courant les pardons, avait entendu dire qu’au delà de Plougastel, sur la rade de Brest, demeurait un sorcier qui savait arranger les bras, les nez et les mains des statues de Kersanton ; et, comme Claudik était fort rusé, il pensa que ce sorcier arrangerait, tout aussi bien, une main coupée, vu qu’il vendait des Louzou pour toute espèce d’infirmités. Il allait même se mettre en route pour Plougastel,