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LE RECTEUR DE L’ÎLE DE HOUAT



IV. — Mauvaise rencontre.

Anna Morel se laissa reconduire à la cabane qu’elle habitait avec sa tante Catherine. Quand le recteur la quitta, elle paraissait apaisée. Il lui promit de la tenir au courant des moindres manœuvres de la Galathée, et se retira sans soupçonner que le calme apparent de la jeune femme n’était qu’une courte éclaircie pendant une tempête.

La journée s’était à moitié écoulée pendant les scènes que nous avons esquissées. L’ombre descend promptement en hiver au milieu des brumes de l’Océan, et voici déjà la nuit.

La cabane est sombre. La petite fille, fatiguée de l’excursion du matin, s’est endormie à la chute du jour. La tante Catherine, tout en filant sa quenouille, veille et berce parfois l’enfant, qui agite ses petites mains ; puis elle quitte le berceau et s’approche du foyer pour y rallumer le feu de tourbe et préparer le souper. Peu de temps après, Anna, qui n’a fait que goûter du bout des lèvres au modeste repas servi par la bonne femme, Anna, sentant renaître en elle avec la nuit un trouble insurmontable, se lève avec une sorte d’égarement, assure à sa tante qu’elle doit parler ce soir au recteur, et sort précipitamment sans vouloir rien entendre.

Où va la pauvre insensée ? où dirige-t-elle ses pas au milieu des ténèbres ? Ce n’est point dans la direction du presbytère. Peut-être ira-t-elle sur la falaise. Mais à quoi bon, il fera bientôt nuit noire, et ses