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FANTÔMES BRETONS


Le village de Lok-Irek est bâti, comme l’indique son nom armoricain, sur une pointe allongée de la côte entre Lannion et Morlaix. Aujourd’hui, ce port, fréquenté par des pêcheurs et petits caboteurs, se trouve dans une situation relativement meilleure ; mais, vers le commencement de ce siècle, époque où se place notre récit, ce n’était qu’un pauvre abri pour les barques de pêche de l’endroit. Autour de la vieille église, lézardée par les ouragans, on voyait à peine trois ou quatre habitations auxquelles on pouvait donner le nom de maisons ; l’une était le presbytère et une autre, plus près de la mer, la demeure de maître Christophe Brionel. Ce dernier, l’homme important du village, était un rude loup de mer et ancien brigadier des douanes en retraite.

Les cabanes des pêcheurs se trouvaient disséminées sur la falaise. Quelques-unes s’avançaient tellement vers les sables que le flot des grandes marées les atteignait lorsque le vent poussait à la côte. C’est dans une de ces pauvres cases que demeurait la veuve du Pilleur, comme on disait. Marie Lestour n’avait qu’un fils, Franz ou François, jeune et courageux matelot. La mort de son mari, arrivée depuis sept ans, l’avait laissée presque dans la misère, avec son enfant.

Voici au milieu de quelles circonstances le pilleur avait trouvé la mort. Dans les derniers temps de sa vie, la conduite de Lestour inspirait d’assez graves soupçons. Ayant à peu près renoncé au travail, à la pêche qui le faisait vivre, il s’adonna de plus en plus à l’ivrognerie, cette lèpre des campagnes et des grèves.