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NOTES.

Et les générations suivantes passèrent également silencieuses devant elles, sans s’étonner de ne pas voir au moins les noms de ces artistes briller au fronton de leurs temples !

Et la nôtre, plus éclairée, dit-on, partant plus coupable encore, non contente de ramener par le marteau beaucoup de ces belles productions au niveau de ses œuvres, s’est permis, dans ses prétentieuses leçons de la fin du dernier siècle, d’ajouter le dénigrement au dédain[1] !

Triste effet de l’impuissance et de l’envie ! Les oracles de l’opinion vulgaire, les Vitruves du jour et d’un jour, dont ces chefs-d’œuvre étaient le désespoir secret, voyant qu’ils n’y pouvaient atteindre, se rabattirent à l’allocution du renard, si énergiquement formulée en d’autres termes dans ce mot de Montaigne : Vengeons-nous-en par en médire.

De notre extase devant tous les monuments du moyen âge, conclura-t-on que nous étendons cet enthousiasme,

    ces jolies colonnettes groupées en légers faisceaux, pour faire l’office de ces longs et lourds piliers nus, dont la répétition monotone accusait trop évidemment la pesanteur des combles ; les merveilleuses divisions, toujours variées, de ces immenses et cependant harmonieuses roses, distribuant la lumière avec une parcimonie calculée dans l’intérêt de la méditation ; ces corniches végétales, ces tresses courantes de pampres et de fruits, où l’art rivalise avec la nature ; ces guirlandes capricieuses, enlaçant leurs festons sur le marbre assoupli ; ces consoles et baldaquins dentelés, ornements presque suffisants en l’absence même des statues qui doivent les compléter ; ces riches clefs pendantes, stalactites de l’art, et ces élégantes pyramides fleuronnées laissant jaillir de leur pinacle des figures colossales, réduites par l’œil à la proportion humaine.

  1. Millin, ce rival présomptueux des Winckelman et des d’Agincourt, ne répète-t-il pas comme sienne, avec son outrecuidance habituelle (Antiquités nationales, tome II, art. xix, page 10), cette opinion des gens de l’art de son époque : « que les Goths créèrent un genre aussi bizarre que ridicule ? »