Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/174

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presque insensible. La chaîne de montagnes continuait toujours à droite et à gauche à une lieue au moins de distance du chemin. Dans certains endroits elles ne sont unies que par des collines, au-delà desquelles on voit des campagnes à perte de vue.

Le 26 après avoir marché environ trois heures entre des montagnes affreuses et désertes, nous trouvâmes une plaine bien cultivée et couverte d’arbres fruitiers. L’après-dîner la campagne était également belle jusqu’à Tai ngan tcheou qui est au pied d’une grande et affreuse montagne qui la met à couvert des vents de nord.

Cette ville est dans une très belle assiette, ses murailles sont hautes de plus de 25 pieds, mais le dedans des maisons est très misérable. Nous avons dîné à Yan leou tien ; un bon quart de lieue après ce bourg, nous passâmes une rivière qui était presque à sec : là les montagnes s’ouvrent pour faire place à une grande plaine très fertile et très peuplée. A l’orient et à l’occident les montagnes paraissent interrompues, mais elles recommencent aussitôt, principalement du côté de l’orient, et viennent en cercle se rapprocher auprès de Tai ngan.

Le 27 nous séjournâmes pour donner le temps à notre bagage, qui suivait la route marquée par le cang ho, de se rendre à trois journées au-delà, où nous devions aller le rejoindre par des chemins de traverse.

Le 28 nous fîmes neuf à dix lieues entre des montagnes affreuses. On voit peu de terres cultivées quoique les bourgs soient assez fréquents et fort peuplés. Un tiers des personnes de ce pays-ci a de grosses loupes à la gorge, il y a là quelques bourgs et villages qui sont sujets à cette incommodité : on croit que l’eau des puits, dont ils sont obligés de se servir, en est la cause.

Les auberges sont peu commodes, on couche sur de petits fourneaux de brique de la longueur d’un lit : on y fait fort mauvaise chère, quoiqu’on y achète des faisans à meilleur marché que la volaille. Nous y en avons eu quelque fois quatre pour dix sols. Ces montagnes dont je parle, et entre lesquelles nous passâmes, sont peu hautes, et la plupart sans aucun arbre. Il y en a de couvertes de terre qui ont été autrefois cultivées : les vestiges des terrasses paraissent encore depuis la racine jusqu’au sommet ; mais jusqu’à présent et depuis Ning po, en traversant les provinces de Tche kiang, de Kiang nan, et de Chan tong, je n’ai aperçu aucune trace des ravages que la guerre a causé dans ce vaste empire, ni aucun pouce de terre qui fût en friche à la réserve de ces montagnes.

Tout autre royaume devrait être épuisé d’hommes après tant de massacres : car il n’est pas concevable combien de millions d’hommes ont péri par la famine et par le fer depuis le dernier empereur de la dynastie des Ming. La décadence de cette dynastie commença par une famine presque universelle : la misère favorisa un grand nombre de bandits qui ne songeaient qu’à vivre de brigandages : ils entraient à main armée dans les villes et les villages, et choisissant les jeunes hommes capables de porter les armes, ils massacraient le reste de leur famille, afin