Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/177

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par l’extrémité d’un faubourg de la ville de King tcheou : ses murailles paraissent de terre ; nous en vîmes trois côtés à angles droits, ce qui me fait croire qu’elle est comme la plupart des villes chinoises d’une figure carrée.

On voit dans la ville une tour hexagone de onze ou douze étages, qui vont en diminuant à mesure qu’ils s’élèvent, avec des fenêtres de tous les côtés de chaque étage. Dans les faubourgs du nord et du sud, il y a plusieurs de ces tours ou petits donjons, dont j’ai déjà parlé : on en trouve dans la plupart des villages, les habitants se servent de ces donjons pour mettre leurs effets plus en sûreté dans des temps de troubles, ou lorsqu’ils craignent des irruptions de voleurs. Les maisons des villages sont de terre et de paille, dont le toit est presque plat : plusieurs de ces maisons ont une plate-forme.

A parler en général, dans toute la route que nous avons tenue depuis Ning po, nous n’avons vu aucun édifice qui méritât d’être remarqué, si l’on en excepte les ouvrages qu’on a bâti pour la commodité publique, tels que sont les levées, les digues, les ponts, les murailles, les arcs de triomphe, etc. Nous allâmes coucher à cinq lieues de King tcheou, dans une ville nommée Fou tching hien par des chemins que la poussière rendait très incommodes. C’est là que nous apprîmes la mort de l’impératrice mère de l’empereur Cang hi, arrivée le 27 du mois précédent.

Aussitôt, pour nous conformer aux usages de l’empire, nous ôtâmes de dessus nos bonnets les houppes de soie rouge dont ils étaient couverts, ce qui est une marque de deuil. C’est une cérémonie qu’on observe par tout l’empire durant au moins 27 jours à compter du jour qu’on a reçu cette nouvelle dans le pays. Les mandarins en publient l’ordre, et si l’on y manquait, on s’exposerait à être châtié.

Le 2 arriva le commencement de l’année chinoise : les premiers jours de l’année sont à la Chine des jours de réjouissance, à peu près comme le temps du carnaval en Europe : on se salue, on se visite, on se souhaite une heureuse année les uns aux autres, on donne des démonstrations de la joie publique par des illuminations, et par des feux d’artifice.

Ce jour-là après avoir dîné dans un gros village à sept lieues de Fou tching, nous passâmes au sortir de ce village par-dessus un beau pont de marbre long d’environ vingt pieds. Les garde-fous sont de belles tables de marbre couchées de champ, larges d’environ vingt pouces sur cinq de longueur, ornées de bas reliefs, avec des piédestaux entre deux, qui portent des figures de lions moins grossières que celles que nous avons vues jusqu’ici.

Il y a beaucoup de marbre dans cette province : la campagne est unie, bien cultivée, et pleine de hameaux et de villages, où l’on voit grand nombre de ces espèces de tours ou de donjons, de sorte que de loin l’on prendrait tous les villages pour autant de forteresses. Toutes les maisons sont de terre, à toits plats, couverts de paille ou de chaume,