Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/227

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pour aller une journée entière à cheval ou sur une mule : et comme la foule extraordinaire du peuple remplit toutes les rues, les muletiers mènent souvent les bêtes par la bride, afin de se faire passage. Ces gens-là ont une connaissance parfaite des rues et des maisons, où demeurent les Grands et les principaux de la ville : on vend même un livre qui enseigne les quartiers, les places, les rues, et la demeure de toutes les personnes publiques.

Le gouverneur de Peking qui est un Tartare Man tcheou de considération, s’appelle le général des neuf portes : Kiou men titou, et a sous sa juridiction non seulement les soldats, mais encore le peuple, dans tout ce qui concerne la police et la sûreté publique.

Cette police ne saurait être plus grande, et l’on est surpris de voir que dans une multitude presque infinie de Tartares et de Chinois, on jouisse d’une si parfaite tranquillité. Il est rare qu’en plusieurs années, on entende dire qu’il y ait eu des maisons forcées par les voleurs, ou des gens assassinés. Il est vrai qu’on y observe un si grand ordre, qu’il est comme impossible que ces sortes de crimes se commettent avec quelque impunité.

Toutes les grandes rues tirées au cordeau d’une porte à l’autre, et larges d’environ six vingts pieds, sont garnies de corps de garde. Il y a jour et nuit des soldats l’épée au côté et le fouet à la main, pour frapper sans distinction ceux qui font quelque désordre. Ils ont droit d’arrêter par provision quiconque leur résiste, ou excite des querelles.

Les petites rues qui aboutissent aux grandes, ont des portes faites de treillis de bois, qui n’empêchent pas de voir ceux qui y marchent : elles sont gardées par les corps de garde placés vis-à-vis dans la grande rue. Il y a même vers le milieu de presque toutes ces rues des soldats qui sont en faction. Les portes à treillis sont fermées la nuit par le corps de garde, il ne la fait ouvrir que rarement à des gens connus, qui ont une lanterne à la main, et qui sortent pour une bonne raison, comme serait celle d’appeler un médecin.

Aussitôt que le premier coup de veille est donné sur une grosse cloche, un ou deux soldats vont et viennent d’un corps de garde à l’autre, comme s’ils se promenaient, et jouant continuellement d’une espèce de cliquette, pour faire connaître qu’on veille. Ils ne permettent à personne de marcher la nuit, et ils interrogent même ceux que l’empereur aurait envoyé pour quelques affaires. Si leur réponse donne lieu au moindre soupçon, on les met en arrêt au corps de garde. D’ailleurs ce corps de garde doit répondre à tous les cris de la sentinelle qui est en faction.

C’est par ce bel ordre, qui s’observe avec la dernière exactitude, que la paix, le silence, et la sûreté règnent dans toute la ville. Il faut ajouter que non seulement le gouverneur de la ville, obligé de faire la ronde, arrive lorsqu’on y pense le moins, mais encore que les officiers qui sont de garde sur les murailles et sur les pavillons des portes, où l’on bat les veilles sur de grands tambours d’airain, envoient des subalternes pour examiner les quartiers qui répondent aux portes où ils se trouvent. La moindre négligence est punie dès le lendemain, et l’officier de la garde est cassé.