Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/233

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Toutes les familles tartares demeurent à Peking ou aux environs, et il ne leur est pas permis de s’en écarter sans un ordre spécial de l’empereur. C’est pourquoi toutes les troupes de cette nation, qui sont la garde de l’empereur, sont, pour ainsi dire, toujours auprès de sa personne. On y voit aussi des troupes chinoises, qui se sont rangées autrefois sous les bannières tartares, et qu’on nomme pour ce sujet, Chinois tartarisés. Elles sont fort bien entretenues, et toujours prêtes à voler au premier ordre, pour éteindre le feu de la sédition, quelque part qu’il prenne, ce qui se fait avec un secret et avec une promptitude admirable.

Ces troupes sont divisées en huit corps, dont chacun a sa bannière distinguée, ou par la couleur jaune, blanche, rouge, bleue, ou par la bordure, savoir jaune à bordure rouge, blanche à bordure rouge, rouge à bordure blanche, et bleue à bordure rouge. La couleur verte est celle des troupes purement chinoises, qu’on appelle pour cela Lou ki, les soldats de la bannière verte. Chaque bannière tartare a son général nommé en tartare man tcheou, Cou fanta : celui-ci a sous lui de grands officiers, qu’on appelle meirein tchain, qui sont à notre égard comme nos lieutenants généraux d’armée, et de qui dépendent plusieurs autres officiers subordonnés les uns aux autres.

Comme chaque corps est maintenant composé de Tartares man tcheoux, de Tartares mongols, et de Chinois tartarisés, le général a sous lui deux officiers généraux de chaque nation, et ces officiers ont pareillement leurs subalternes de même nation. Chaque corps a dix mille soldats effectifs divisés en cent nu rous, ou compagnies, de cent soldats chacun. Ainsi si l’on compte la maison de l’empereur, et celle de tant de princes qui ont leurs gens, Po jo nu rous, avec la paie d’officiers et de soldats, on conviendra aisément de la vérité de l’opinion commune, qu’il y a toujours cent mille cavaliers entretenus à Peking.

Par là même, on peut se former une idée des forces de l’empire, car outre la cavalerie, dont je viens de parler, si l’on supputait les troupes d’infanterie, qui sont encore à Peking, celles qui sont le long de la grande Muraille, dans la multitude de places d’armes bâties pour la défendre, quoique moins nombreuses qu’elles n’étaient, lorsqu’on avait à craindre les irruptions des Tartares, avec les autres troupes répandues dans tout l’empire, on trouverait, comme on l’assure, que le nombre monte au moins à six cent mille hommes, de sorte qu’on peut dire que la Chine entretient dans le temps même de la plus grande paix, une armée capable de résister aux plus formidables puissances, et cela seulement pour maintenir la tranquillité publique, et se précautionner contre les séditions, et les moindres étincelles de révolte.

Un aussi grand corps qu’est la Chine, ne peut manquer d’être terriblement agité, quand une fois il est en mouvement. Aussi toute la politique des magistrats chinois, est de les prévenir, et de les arrêter au plus tôt. Il n’y a point de grâce à attendre pour un mandarin dont le peuple se révolte : quelque innocent qu’il puisse être, il est regardé tout au moins comme un homme sans talent, dont la moindre punition qu’il mérite, est d’être déposé de sa charge par ordre des tribunaux de la cour, auxquels ces sortes de