Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/481

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il remédia à ce désordre. Il régla qu’un prince étant mort, son État serait partagé entre tous ses enfants légitimes, n’étant pas juste qu’un seul fût enrichi, tandis que les cadets, livrés à une honteuse indigence, ne pourraient remplir avec décence l’obligation indispensable d’honorer leur père après sa mort. Enfin il ordonna que faute d’héritiers légitimes, ces souverainetés seraient réunies à la couronne.

Dans le dessein qu’il eut de faire fleurir les sciences, il chargea les savants hommes, que ses libéralités avaient attirés à la cour, de mettre en ordre ces anciens et précieux livres, qui avaient échappé à l’incendie général, et il les fit enseigner publiquement, de même que les maximes morales de Confucius et de Mencius.

Ces livres s’écrivaient à la main ; car l’imprimerie n’avait pas encore été inventée, et elle ne le fut qu’environ cinquante ans avant l’ère chrétienne.

Les belles qualités de ce prince furent ternies, par la faiblesse qu’il eut d’écouter des imposteurs, qui lui promettaient un élixir dont ils avaient le secret, en l’assurant que cette potion le ferait vivre éternellement. Un jour qu’un de ces souffleurs lui apporta le breuvage d’immortalité qu’il venait d’achever, et que mettant la coupe sur une table, il le conjurait d’en faire l’expérience, un de ses ministres s’efforçant inutilement de le désabuser, prit brusquement la coupe, et but la liqueur.

L’empereur au désespoir que son ministre lui eût dérobé l’immortalité, prit la résolution de le punir du dernier supplice, sur quoi son ministre lui dit avec un doux sourire : « Prince, si ce breuvage m’a rendu immortel, pouvez-vous m’ôter la vie ? Et si vous avez le pouvoir de me faire mourir, le frivole larcin que j’ai fait mérite-t-il la mort ? » L’empereur se radoucit, et loua la sagesse de son ministre : mais il ne fut pas pour cela tout à fait désabusé.

Quelque temps après un magicien parut à la cour, qui excita la curiosité de l’empereur par ses prestiges. Il s’engagea de lui faire voir aussi souvent qu’il lui plairait, une de ses femmes du second ordre qui était morte, et que ce prince avoir tendrement aimée. Elle demeurait, disait-il, dans la lune, où elle était pleine de vie, pour avoir bu la liqueur qui rend immortel. Il fit bâtir une tour fort élevée, où il assurait que par le pouvoir qu’il avait sur les esprits, il la ferait descendre autant de fois qu’on le voudrait.

L’empereur assista aux cérémonies qu’employait le magicien : mais l’immortelle fut sourde à sa voix, et le charme n’eut aucun effet. L’imposteur qui craignait la colère de l’empereur, eut recours à un artifice : il écrivit sur une étoffe de soie les raisons qui retenaient la concubine dans la lune, et l’empêchaient de descendre. Il fit avaler ensuite ce morceau d’étoffe à une vache, et la montrant à l’empereur : « Je ne sais, lui dit-il