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Ce prince, qui tout jeune qu’il était, sentait ce qui lui était dû, jeta un regard menaçant sur Leang ki et dit, quoique d’une voix un peu basse, mais cependant assez haute pour être entendue : Voilà un arrogant personnage.

Cette parole coûta cher à ce prince. Leang ki voyant ce qu’il avait à craindre un jour des mauvaises impressions que l’empereur prenait de sa conduite, résolut de s’en défaire, et le fit mourir par le poison. Ainsi ce prince ne fut qu’un an sur le trône. Son frère aîné nommé Houan ti lui succéda.


HOUAN TI. Vingt-troisième empereur.
A régné vingt-un ans.


Les magistratures devinrent vénales sous cet empereur : il fut grand partisan de la secte de Leao kiun et les eunuques eurent le plus de part à sa faveur : c’est ce qui écarta de son palais tous les gens de lettres. Ce prince tâcha néanmoins de les attirer à sa cour, et par de fréquentes invitations qu’il leur fit faire, et même par les riches présents qu’il leur envoya : ce fut inutilement. Ces sages préférèrent la tranquillité de leur solitude aux agitations d’une cour, où toute l’autorité était entre les mains des eunuques.

Cependant Leang ki, qui avait été le meurtrier du précédent empereur, fut élevé aux premières charges de l’État, et sa femme fut honorée du titre d’héroïne, avec un revenu de cinq cent mille taëls qu’on lui assigna. Cette haute fortune augmenta son humeur impérieuse, et il se crut en droit de tout oser.

Au commencement de l’année chinoise, que tous les Grands viennent rendre leurs respects à l’empereur, il eut la hardiesse, contre toutes les lois, d’entrer dans le palais le sabre au côté. On lui fit l’affront de le désarmer, et reconnaissant aussitôt son crime, il en demanda pardon, et l’empereur lui accorda la grâce. Mais peu de temps après s’étant rendu odieux à tout le monde par son insolence et par sa fierté, il se vit comme assiégé d’une troupe d’eunuques, et désespérant d’échapper à leur vengeance, il se donna la mort et à sa femme. Ses parents et ses amis, qu’il avait placés dans les plus importants emplois, en furent aussitôt dépouillés, et ses richesses, qui étaient immenses, furent confisquées.

Dans une amnistie générale que l’empereur accorda, on ouvrit toutes les prisons, et on rendit la liberté aux criminels. Un mandarin nommé Pouan qui n’était coupable d’aucun crime, refusa de sortir et la raison qu’il apporta, c’est que si on ne le lavait pas du crime qui lui était calomnieusement imputé, il serait confondu avec tant de scélérats, et qu’il serait couvert le reste de ses jours de